Ouvrage:Le Livre qui fait dire oui/Le Québec devrait-il être un pays

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Contributeur initial Sol Zanetti
chef d’Option nationale

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L’indépendance du Québec n’est pas le projet d’un parti politique ni d’une génération : c’est le projet d’un peuple en marche vers sa liberté. La liberté politique que nous voulons, c’est la même que celle que le Canada, l’Italie, l’Inde ou tout autre pays possèdent et dont ils ne voudraient jamais se départir ; celle qui leur permet de décider eux-mêmes des règles de vie sur leur territoire et des liens qui les unissent aux autres peuples du monde, tout simplement.

Une vieille question ?

Les questions politiques ne se périment pas simplement sous l’effet du temps qui passe, comme le font certaines modes vestimentaires ou musicales. Une question politique devient obsolète lorsqu’elle se résout, lorsque les problèmes qui l’ont soulevée ont trouvé une solution définitive.

La question de l’indépendance du Québec remonte aux années 1830 et n’a toujours pas trouvé de telle solution. Comme le montrera le présent ouvrage, les enjeux — économiques ou environnementaux, pour ne nommer que ceux-là — que nous devons affronter au 21e siècle ne font qu’accentuer l’urgence de résoudre cette question.

Laisser Ottawa choisir nos orientations politiques et économiques nous dessert chaque fois que nos intérêts sont opposés à ceux de la majorité canadienne. C’était vrai dans le passé, c’est vrai aujourd’hui et ce le sera jusqu’à ce que nous fassions du Québec un pays. Quel que soit le parti au pouvoir à Ottawa, cette dynamique est inévitable. Dans le système canadien, elle est normale et légitime, même; mais elle n’est pas à notre avantage. Bref, comme le disait Miron, « tant que l’indépendance n’est pas faite, elle reste à faire[1] ».

Évidemment, notre indépendance ne nous garantira pas la liberté absolue. Les peuples du monde ne vivent pas en vase clos, mais dans des systèmes économiques et politiques de plus en plus interconnectés. Même les pays indépendants ne font pas toujours ce qu’ils veulent. Ils doivent tenir compte des autres et, idéalement, s’entendre avec eux. Ils subissent de fortes pressions venant de puissances économiques et politiques extérieures, d’entreprises multinationales et de divers lobbys. Toutefois, pour un peuple comme pour un individu, une plus grande liberté est toujours souhaitable, puisqu’elle leur ouvre des possibles et les soustrait à l’hégémonie des autres. L’indépendance est le premier outil nécessaire pour se tenir debout devant les forces mondiales qui font pression sur nous.

Qu’est-ce que l’indépendance ?

Lorsqu’il est question de l’indépendance du Québec, il est question d’indépendance politique. L’indépendance politique d’un État, c’est sa capacité de rédiger toutes les lois qui s’appliquent sur son territoire, d’avoir la pleine gestion de tous les impôts et les taxes prélevés chez lui et de négocier lui-même les traités qui le lient aux autres peuples du monde. Lois, impôts, traités : telles sont les pierres d’assise de l’indépendance d’un pays.

Un État qui ne possède pas ces outils de base ne gouverne pas pleinement et n’est pas libre de mettre en place toutes les politiques nécessaires pour servir ses intérêts nationaux. Qui oserait nier la légitimité de cette liberté qu’ont les Brésiliens, les Congolais ou les Allemands de choisir eux-mêmes leur destin ? Cette liberté que nous reconnaissons légitime pour les autres l’est aussi pour nous.

En 1946, l’ONU comptait 55 États membres[2]. Elle en compte aujourd’hui 193. Depuis les années 1980 seulement, une quarantaine d’États ont acquis leur indépendance. Parmi tous ces nouveaux pays, peu d’entre eux bénéficiaient d’un contexte économique et social aussi favorable que le nôtre, et aucun ne semble regretter sa liberté nouvellement acquise. Si l’autodétermination de ces peuples a été possible, la nôtre l’est encore davantage.

« Un pays peut faire tout ce qu’une province peut faire, mais l’inverse est faux[3] »

Indépendants, nous conserverons tous les pouvoirs que nous avons actuellement. Mais nos pouvoirs et nos responsabilités augmenteront, et la proportion de nos taxes et de nos impôts que nous gérons nous-mêmes passera à 100%, comme pour tous les pays du monde. Nous pourrons donc faire tout ce que nous faisions avant, et même davantage.

Essentiellement, faire du Québec un pays, c’est ouvrir l’horizon de nos possibles. C’est rapatrier nos responsabilités politiques, qui tombent alors entièrement sous le contrôle de la démocratie québécoise. Présentement, une large part des décisions nous concernant sont prises au Parlement d’Ottawa, dans lequel nous n’avons que 23 % des sièges[Notes 1]. C’est le cas notamment de toutes les décisions qui touchent la défense, les relations internationales, les banques, les cours monétaires, les « Indiens et [les] terres réservées [aux] Indiens», la citoyenneté, les lois criminelles, les pénitenciers, la gestion de la Caisse d’assurance-chômage, les télécommunications, le transport ferroviaire interprovincial, le transport des hydrocarbures, le transport maritime, les ports, la poste, la subvention des arts, la recherche scientifique et bien d’autres[4].

Par ailleurs, même dans les champs de compétence qui devraient relever exclusivement du Québec, le gouvernement du Canada possède un «pouvoir de dépenser» qui l’autorise à investir l’argent que nous lui envoyons chaque année dans des projets qu’il choisit en fonction de l’intérêt de la majorité canadienne. C’est ce qui se passe régulièrement dans les secteurs de la santé et de l’éducation lorsque le gouvernement canadien nous dicte la façon de dépenser l’argent que nous lui envoyons en fonction de priorités qui ne conviennent pas à notre réalité. L’exemple des transferts canadiens en éducation sera développé dans les chapitres suivants.

Plus de centralisation, moins de pouvoir pour nous

Non seulement le régime canadien réduit énormément le pouvoir que nous avons sur des secteurs clés de notre vie collective, mais sa structure même favorise une centralisation croissante des pouvoirs à Ottawa. En effet, l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue au gouvernement central tous les nouveaux pouvoirs et responsabilités apparus depuis son adoption. Cet article confère à Ottawa ce qu’on appelle un pouvoir résiduaire. C’est à cause de ce pouvoir, par exemple, que les lois liées à Internet, d’une nécessité récente, relèvent du gouvernement canadien. Toutes les nouvelles responsabilités politiques futures, celles que nous ne pouvons même pas encore imaginer, relèveront exclusivement d’un Parlement au sein duquel nous avons une représentation politique décroissante.

L’indépendance : un projet de gauche ou de droite ?

Lorsque nous abordons la question de l’indépendance, nous avons tendance à nous demander s’il s’agit d’un projet de gauche ou de droite afin d’évaluer s’il cadre avec nos valeurs. Historiquement, le mouvement indépendantiste québécois a été porté par une coalition à l’éventail idéologique diversifié dont la moyenne des valeurs politiques se situe environ au centre-gauche.

Cela dit, le projet indépendantiste se caractérise essentiellement comme un projet démocratique visant l’auto-détermination de la nation. Les Québécoises et les Québécois feront ce qu’ils veulent de leur liberté, comme tous les peuples du monde. On peut souhaiter l’indépendance pour éliminer des structures administratives inutiles que nous impose le régime canadien, comme on peut la vouloir pour dégager les fonds nécessaires au financement d’un système d’éducation plus accessible. Toutefois, l’enjeu de l’indépendance ne se situe pas sur l’axe gauche- droite, mais dans l’horizon de l’autodétermination.

Choisir l’indépendance, c’est vouloir se gouverner soi-même. S’y opposer, c’est accepter d’être gouverné par la majorité canadienne. Tel est l’enjeu. La liberté d’un peuple, comme celle d’un individu, a une valeur en soi. Aurait-il été recevable de s’opposer au droit de vote des femmes sous prétexte qu’elles auraient pu voter plus à gauche ou plus à droite ? Bien sûr que non. On ne juge pas de la valeur de la liberté des autres à ce qu’ils en font. Ayons envers nous-mêmes le même respect.

L’indépendance ne réglera pas tous nos problèmes, mais elle va au moins mettre entre nos mains les outils indispensables pour les régler. Quel que soit l’idéal du pays que nous voulons réaliser, qu’on le veuille plus à gauche ou plus à droite, il serait illusoire de penser que nous pourrons le bâtir sans avoir le plein contrôle de toutes nos lois, de tous nos impôts et des traités qui nous lient aux autres pays. L’indépendance ne sera pas la fin de l’histoire, mais plutôt le début d’un nouveau chapitre de celle-ci, que nous écrirons cette fois nous-mêmes.

Le Livre qui fait dire oui

L’objectif de cet ouvrage est d’offrir une présentation rationnelle, vulgarisée et concise des effets concrets qu’amènera notre indépendance. Il s’agit d’un ouvrage d’introduction qui ne nécessite pas une grande connaissance préalable de la politique québécoise. Ce livre ne prétend pas répondre à toutes les questions sur le sujet, mais vise plutôt à présenter une multitude de raisons pour lesquelles, aujourd’hui, il faut faire du Québec un pays.

Notre pari est qu’au terme de votre lecture, vous aurez, comme nous, envie de dire oui.

Prochain chapitre : L’environnement

Références

  1. Miron, Gaston. Un long chemin : proses 1953-1996. Montréal. Éditions L’Hexagone, 2004.
  2. Organisation des Nations unies. « Progression du nombre des États Membres de 1945 à nos jours ». Organisation des Nations unies, États Membres, 2015. 30 mai 2015.
  3. La formule est de Jean-Martin Aussant.
  4. Gouvernement du Canada. « Le partage constitutionnel des pouvoirs législatifs ». Gouvernement du Canada. Affaires intergouvernementales, 2015. 28 mai 2015.

Notes

  1. Cette proportion, qui était de 33 % en 1867, n’a fait que diminuer depuis.