Ouvrage:L’indépendance, maintenant !/Constitution du Québec indépendant

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Contributeur initial Daniel Turp


Introduction

L’idée de doter le Québec de sa propre constitution est inscrite dans l’histoire nationale du Québec (Turp, 2008, p. 71). Elle fait aujourd’hui l’objet d’un très large consensus, comme en fait foi un sondage réalisé en 2007 par Léger Marketing dans lequel 63% des personnes favorisent l’adoption d’une constitution québécoise.

Elle a également reçu un très large assentiment à l’occasion des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, où 82% des participants et participantes se disaient favorables à ce que «les réformes que pourraient proposer les États généraux conduisent éventuellement à une constitution québécoise […]» (Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, 2003). Le Comité directeur de la réforme des institutions démocratiques (2003) retient quant à lui l’idée de doter le Québec de sa propre constitution. Après avoir indiqué qu’il considère que «l’adoption d’une constitution du Québec est une action primordiale qui favorisera l’épanouissement démocratique en élargissant le champ de conscience et le champ de connaissances des pratiques démocratiques», il recommande que «toute mesure relative à la forme du gouvernement, aux rapports entre les gouvernants et les gouvernés, et quant à l’organisation des institutions démocratiques soit insérée dans une loi fondamentale, votée par l’Assemblée nationale et confirmant la décision populaire exprimée par référendum» (p. 37).

Aujourd’hui, le projet d’adopter une constitution québécoise rallie des fédéralistes qui sont d’avis que le Québec devrait se doter d’une constitution en tant que composante de la fédération canadienne (Pelletier, 2010), comme des partisans de l’indépendance du Québec, qui jugent également essentielle l’adoption d’une loi fondamentale pour le Québec souverain (Rocher, 2002). Plusieurs indépendantistes ont également plaidé pour l’adoption d’une constitution interne avant l’accession du Québec à l’indépendance (Binette, 1992; Chevrier, 1995; Morin J.-Y., 1985; Payne, 1984; Seymour, 2008). Je compte parmi les personnes qui favorisent l’adoption d’une constitution québécoise sans égard au statut politique du Québec et suis intervenu à plusieurs reprises en ce sens (Turp, 2005)[1], en présentant notamment à l’Assemblée nationale deux projets de constitution lorsque j’y siégeais comme député (projets de loi 191 et 196, 2007).

Le nouveau programme du Parti québécois adopté le 17 avril 2011 contient une disposition prévoyant qu’un gouvernement souverainiste «fera adopter, par l’Assemblée nationale, une Constitution (sic) québécoise pour affirmer et établir les éléments essentiels de l’identité québécoise». Ce programme prévoit également qu’un tel gouvernement souverainiste «créera une assemblée constituante à laquelle seront conviés à siéger tous les secteurs et les régions de la société québécoise ainsi que les nations autochtones et inuites du Québec afin d’écrire la constitution d’un Québec indépendant» (Programme du Parti québécois, 2011, p. 4).

Dans le chapitre 12 du présent ouvrage, les auteurs Gilbert Paquette et André Binette proposent que soient formulées une option autonomiste et une option souverainiste dans le cadre d’une démarche gravitant autour d’une «élection-déclenchement» et d’un «pacte constitutionnel» (le plan C). Ces options se traduiraient par l’élaboration de deux projets de constitution présentés comme «deux documents gigognes». Les options sont décrites en ces termes: «L’option autonomiste sera concrétisée par une constitution interne du Québec contenant par exemple les éléments du plan B et possiblement d’autres, ces dispositions ayant préséance sur celles de la Constitution canadienne, de facto rejetée. L’option souverainiste définit évidemment une constitution républicaine du Québec indépendant hors du cadre canadien.»

En ayant à l’esprit le nouveau programme du Parti québécois, tenant compte de la démarche proposée par Gilbert Paquette et André Binette et faisant fond sur les travaux que j’ai effectués sur la question de la Constitution québécoise durant les dernières années, il sera proposé ci-après que la revendication d’autonomie constitutionnelle du Québec soit traduite dans un projet de constitution interne dénommée Constitution québécoise et que la volonté d’indépendance constitutionnelle soit reflétée dans un projet de constitution républicaine se présentant sous l’appellation Constitution de la République québécoise. Il sera également suggéré qu’une Commission de la Constitution québécoise soit instituée pour examiner, par la voie parlementaire, les projets de Constitution québécoise et de Constitution de la République québécoise et que soit ensuite empruntée une démarche citoyenne par l’institution d’une assemblée constituante qui aura comme mandat de préparer le projet de la Constitution de la République québécoise devant être approuvée par le peuple québécois.

De l’autonomie à l’indépendance constitutionnelle: de la Constitution québécoise à la Constitution de la République québécoise

Pour concrétiser un projet d’autonomie constitutionnelle, il est proposé d’élaborer une constitution québécoise. La volonté d’indépendance constitutionnelle pourrait quant à elle se traduire par l’élaboration de la Constitution de la République québécoise.

Pour illustrer le contenu possible, un tableau présentant les projets de Constitution québécoise (colonne de gauche) et de Constitution de la République québécoise (colonne de droite) de façon comparée est accessible sur le site des IPSO (http://www.ipsoquebec.org). Sa consultation facilitera la compréhension des propositions formulées dans le présent article.

De l’autonomie constitutionnelle: un projet de Constitution québécoise

La Constitution québécoise vise à enchâsser l’autonomie constitutionnelle souhaitée par le Québec en consacrant les droits et prérogatives dont l’État du Québec est aujourd’hui titulaire. Elle intègre également des dispositions fondées sur des revendications constitutionnelles du Québec relatives au partage des compétences et à la nomination des juges ainsi que des éléments visant à y enchâsser le principe de la laïcité et de l’élection des membres de l’Assemblée nationale du Québec au scrutin proportionnel et à date fixe.

Le préambule comporte trois considérants. Le premier affirme que le Québec est libre d’assumer son propre destin, de déterminer son statut politique et d’assurer son développement. Le deuxième considérant affirme que les Québécois et les Québécoises forment une nation, consacre la reconnaissance des Premières Nations et de la nation inuite, réfère à l’identité de la communauté anglophone et souligne l’apport au développement du Québec des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. Le troisième considérant rappelle que le Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu’il a enrichies au cours des ans par l’adoption de plusieurs lois fondamentales, et qu’il appartient à la nation québécoise d’exprimer son identité par l’adoption d’une constitution québécoise.

Le chapitre I et l’article premier visent à énumérer les valeurs fondamentales du Québec. Ainsi, par son alinéa 1, le Québec se qualifie de société libre et démocratique. Il est proposé d’affirmer, dans l’alinéa 2, que le Québec est un État laïc et d’ainsi consacrer la neutralité de l’État à l’égard de la religion. Il importe d’y souligner, comme le propose l’alinéa 3, que le Québec est un État de droit et qu’il est aussi, selon l’alinéa 4, une terre où les personnes sont libres et égales en dignité et en droits. Dans son cinquième alinéa, il est suggéré d’affirmer, pour faire fond sur la Charte de la langue française et rappeler l’importance que revêt la culture au Québec, que «[l]e Québec est de langue française et assure la protection et le développement de la culture québécoise». L’affirmation selon laquelle le Québec favorise le progrès social, le développement économique et la diversité culturelle dans le monde se trouve à l’alinéa 6 du préambule et ajoute une dimension internationale à l’énoncé des valeurs fondamentales. En raison de l’importance qui doit être donnée au principe du développement humain et du développement durable, il est proposé de prévoir, à l’alinéa 7 de l’article premier, une disposition générale sur le développement humain et le développement durable. La Constitution québécoise déclarerait ainsi que le Québec s’engage sur la voie du développement humain tel que défini par le Programme des Nations Unies pour le développement, de même que sur celle du développement durable, comme l’Assemblée nationale du Québec l’a fait en adoptant la Loi sur le développement durable.

Les chapitres II à VI et leurs articles 2 à 6 comprennent des dispositions visant à consacrer au plan constitutionnel les éléments les plus significatifs de l’identité québécoise. L’article 2 vise à instituer une citoyenneté québécoise et prévoit que celle-ci pourra être cumulée avec toute autre citoyenneté ou nationalité. Il est prévu qu’une loi précisera l’ensemble des règles relatives à la citoyenneté québécoise et qu’il faudra ainsi adopter une loi sur la citoyenneté québécoise afin de définir l’ensemble des règles applicables à l’égard de la nouvelle citoyenneté. S’agissant de la capitale nationale et du territoire national, l’article 3 consacre d’abord le statut de capitale nationale de la ville de Québec. Au sujet du territoire national, il précise que le Québec exerce ses compétences sur l’ensemble de son territoire et que ses frontières ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement de l’Assemblée nationale du Québec. Il ajoute que le gouvernement du Québec doit veiller au maintien et au respect de l’intégrité territoriale du Québec. L’article 4 concerne quant à lui le patrimoine naturel et culturel et fait obligation au Québec de préserver et de mettre en valeur l’ensemble de ce patrimoine, notamment son patrimoine archéologique, architectural, archivistique, artistique, ethnologique, historique et religieux. L’article 5 constitutionnalise l’article premier de la Charte de la langue française et confirme ainsi le statut du français comme la langue officielle du Québec. L’article 6 consacre dans un texte constitutionnel des symboles nationaux existants (drapeau, emblèmes et devise), ainsi que la Fête nationale, tout en prévoyant l’existence d’un hymne national pour le Québec. Il y est suggéré par ailleurs qu’une loi précise les modalités de présentation des symboles et emblèmes nationaux, d’organisation de la Fête nationale et de diffusion de l’hymne national.

Faisant fond sur les revendications traditionnelles du Québec relativement au partage des compétences telles que reflétées dans l’énumération des pouvoirs contenue dans le projet de loi sur la proposition québécoise de paix constitutionnelle, le chapitre VII et l’article 7 voient à l’énumération des compétences exclusives et partagées du Québec. Ces nouvelles compétences élargiraient de façon significative le champ des compétences du Québec et accroîtraient son autonomie constitutionnelle dans le domaine économique, social et culturel. L’affirmation, dans cet article, d’une compétence exclusive de perception des taxes sur les produits et services et sur les impôts perçus par le Canada sur le territoire du Québec permettrait d’instaurer une déclaration de revenus unique, alors qu’une compétence sur les relations internationales dans toutes les matières qui ressortissent aux compétences du Québec conforterait la doctrine Gérin-Lajoie en lui conférant un vernis constitutionnel. Un tel élargissement des compétences exclusives et partagées du Québec requerrait une modification à la Constitution du Canada. Et pour contrer toute velléité d’exercice du prétendu pouvoir de dépenser par le gouvernement du Canada, le texte de l’article 7 précise qu’aucune forme d’initiative financière fédérale relative aux matières de compétence exclusive du Québec n’est autorisée.

Le chapitre VIII traite des droits et libertés au Québec. Le premier alinéa de l’article 8 incorpore par renvoi les articles 1 à 56 de la Charte des droits et libertés de la personne dans la Constitution québécoise, à savoir les droits garantis par cette charte ainsi que les dispositions spéciales et interprétatives qui leur sont applicables. Pour répondre à une demande formulée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec sur la portée des droits économiques et sociaux énoncés au chapitre 4 de la Charte, il est proposé d’affirmer dans la Constitution québécoise qu’«[a]ucune disposition d’une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 48 et toute loi doit respecter le contenu essentiel des droits économiques et sociaux». Le deuxième alinéa de l’article 9 propose également de conférer un caractère constitutionnel aux droits linguistiques fondamentaux reconnus aux articles 2 à 6 de la Charte de la langue française. Le troisième alinéa de cet article se veut une clause d’interprétation et prévoit que les articles de la Charte des droits et libertés de la personne et de la Charte de la langue française détenant un statut constitutionnel devraient être interprétés en tenant compte «des valeurs fondamentales de la nation québécoise, notamment de l’importance de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, de préserver la laïcité des institutions publiques et d’assurer la protection de la langue française». Cette clause d’interprétation aurait pour effet de permettre aux interprètes de la Constitution québécoise, et en particulier aux tribunaux du Québec, d’assurer un juste équilibre entre les valeurs fondamentales à caractère collectif et les droits et libertés de nature individuelle.

Les chapitres IX, X, XI et XII traitent des institutions du Québec. Il y est proposé de transformer la fonction de lieutenant-gouverneur en une présidence du Québec et de confier à la personne qui occupera la fonction les pouvoirs que détient l’actuel lieutenant-gouverneur et notamment celui de sanctionner les lois et d’assermenter les membres du Conseil exécutif.

S’agissant des institutions parlementaires, le chapitre X et l’article 10 du projet de Constitution québécoise proposent de maintenir le système parlementaire unicaméral et de rappeler que l’Assemblée nationale du Québec adopte les lois et surveille l’action du gouvernement. Il y est suggéré de constitutionnaliser le pouvoir d’approuver les engagements internationaux importants du Québec qui lui a été conféré en 2002 par la Loi sur le ministère des Relations internationales. Les alinéas 4 et 5 de l’article 10 prévoient deux réformes importantes de l’institution parlementaire, soient l’élection des députées et des députés selon un mode de scrutin de type proportionnel ainsi que la tenue de l’élection générale à date fixe.

En ce qui concerne les institutions gouvernementales, le chapitre XI et l’article 11 prévoient que le gouvernement est l’organe qui détermine et conduit la politique générale du Québec. Il y est précisé qu’il assure l’exécution des lois et dispose, conformément à la loi, du pouvoir réglementaire. Il constitutionnalise le pouvoir du gouvernement de négocier les engagements internationaux et d’assurer la représentation du Québec auprès des États et des institutions internationales. Il enchâsse également la règle voulant que le premier ministre soit de droit président du Conseil exécutif.

Pour ce qui est des institutions judiciaires et la magistrature du Québec, le chapitre XII et l’article 12 confirment d’abord que la Cour du Québec et la Cour supérieure du Québec sont les tribunaux de droit commun et que la Cour d’appel du Québec est le tribunal d’appel ayant compétence à l’égard des causes, matières et choses susceptibles d’appel. Il innove par ailleurs en proposant que soit instituée une Cour suprême du Québec. Il lui reconnaît le statut du plus haut tribunal du Québec et de tribunal général d’appel pour l’ensemble du Québec. L’article 12 contient également des dispositions relatives aux modes de désignation des juges de l’ensemble des tribunaux du Québec et prévoit que les nominations seront effectuées par le ministre de la Justice ou le premier ministre du Québec. La Loi sur les tribunaux judiciaires devrait être modifiée en conséquence, mais une modification devrait aussi être apportée à la Constitution du Canada à cette fin en raison du fait que le pouvoir de nomination des juges de la Cour supérieure et de la Cour d’appel du Québec appartient au gouvernement du Canada et qu’un tel pouvoir s’étendrait également à la nomination des juges d’une Cour suprême qui serait créée par le Québec.

Le chapitre XIII porte sur la révision du projet de Constitution québécoise. L’article 13 stipule qu’un projet de loi de révision pourrait être présenté par le premier ministre ou la première ministre. Il pourrait également être initié par au moins 25% des membres de l’Assemblée nationale. Le projet de loi de révision devrait obtenir une majorité des deux tiers membres de l’Assemblée nationale. Le dernier paragraphe de cet article prévoit en outre qu’un projet de loi de révision de constitution pourrait être soumis à une consultation populaire par le gouvernement. Elle serait approuvée si elle obtenait la majorité des votes déclarés valides, soit 50% de ces votes plus un vote.

En affirmant que le chapitre XIV et son article 14 confèrent une suprématie à la Constitution québécoise, nous sommes véritablement en présence d’une loi de nature constitutionnelle. Le droit et les conventions constitutionnelles applicables au Québec au moment de l’entrée en vigueur de la Constitution québécoise continueraient de s’appliquer dans la mesure où leurs dispositions seraient compatibles avec celle-ci et tant qu’elles ne seraient pas modifiées conformément à la loi. S’agissant de cette suprématie, il est prévu que les dispositions de la Constitution québécoise l’emportent sur toutes règles de droit québécois qui leur seraient incompatibles. Aux fins de consacrer la souveraineté populaire au Québec, il est également prévu que les dispositions qui auraient fait l’objet d’une approbation à l’occasion d’une consultation populaire l’emporteraient sur toute règle de droit qui leur serait incompatible.

Le chapitre XV du projet de Constitution québécoise comporte une disposition finale et l’article 15 prévoit que les dispositions de la constitution entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement. Cette modalité d’entrée en vigueur permettra de mettre en vigueur les articles dont la validité n’est pas assujettie à l’adoption de modifications à la Constitution du Canada. Elle inscrira l’exercice de rédaction d’une constitution interne dans le cadre d’une démarche visant à doter le Québec de son propre ordre constitutionnel en envisageant également l’élaboration de la constitution républicaine d’un Québec souverain dont il est également possible d’illustrer le contenu potentiel.

L’indépendance constitutionnelle: un projet de Constitution de la République québécoise

Dans la perspective de conférer au Québec l’indépendance constitutionnelle devant résulter d’un rejet par le Canada de sa demande d’autonomie constitutionnelle, l’élaboration d’un projet de Constitution de la République québécoise devrait ainsi être prévue. La rédaction d’une Constitution de la République québécoise permettrait au peuple du Québec de se donner la constitution de son choix et d’énoncer les valeurs qui guideront les Québécoises et les Québécois dans leur nouveau pays. Elle pourrait doter l’État du Québec d’une nouvelle architecture institutionnelle et protéger mieux que jamais les droits fondamentaux des personnes et des collectivités qui forment le Québec.

Un projet de texte comportant un préambule et 15 articles a été rédigé pour illustrer le contenu possible (voir Tableau, site des IPSO). Bien qu’il soit un peu plus long que le projet de Constitution québécoise, la concision a été à nouveau privilégiée pour la Constitution de la République québécoise. Celle-ci comporte 30 articles, et une telle concision est rendue possible par le choix de prévoir que des chartes et des lois compléteront les dispositions du texte constitutionnel.

Le préambule de la Constitution de la République québécoise reprend les trois considérants de la Constitution québécoise, mais ajoute quatre nouveaux considérants pour accentuer la dimension internationale de la Constitution du pays québécois souverain. Ainsi, il y est affirmé le devoir de protéger et de promouvoir les devoirs et les droits fondamentaux de la personne et des collectivités, tant au Québec que dans le monde. Il y est précisé que les choix destinés à répondre aux besoins du peuple du Québec, de ses personnes et de ses collectivités doivent être guidés par le principe d’un développement humain visant un développement durable susceptible d’assurer la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il y est fait référence par ailleurs à l’importance de contribuer à une mondialisation équitable, de respecter les règles du droit international, d’assurer le règlement pacifique des différends internationaux et de coopérer avec les institutions internationales. Le préambule inclut également une mention de la nécessité de contribuer par sa culture et son combat pour la diversité culturelle et linguistique à l’enrichissement du patrimoine de l’humanité.

Il y est proposé que le corps de la Constitution de la République québécoise commence avec un titre I sur la République québécoise, comprenant plusieurs chapitres relatifs au statut, aux valeurs et aux éléments significatifs de l’identité québécoise. Le chapitre I et l’article 1 contiendraient l’affirmation selon laquelle «[l]e Québec est un pays indépendant». Un deuxième chapitre et l’article 2 énuméreraient les valeurs fondamentales du Québec et celles-ci pourraient être libellées dans les mêmes termes que ceux retenus pour le projet de Constitution québécoise. Il en va de même pour la citoyenneté québécoise que le Québec souverain devrait également instituer et dont les modalités d’attribution et les autres règles pourraient être précisées dans une loi sur la citoyenneté québécoise. En tant qu’État indépendant, il deviendra essentiel d’affirmer que le Québec exercera des compétences sur l’ensemble de son territoire national terrestre, maritime et aérien à l’égard duquel il détiendra une compétence pleine et entière. La Constitution de la République québécoise se devrait de préciser par ailleurs que la compétence du Québec s’étendra aux espaces adjacents à ses côtes, conformément aux règles du droit international qui l’investiront dorénavant, en sa qualité d’État indépendant, d’une compétence sur sa zone contiguë, sa zone économique exclusive et son plateau continental. Comme pour le projet de Constitution québécoise, il est proposé que la Constitution de la République québécoise comporte également des dispositions sur le patrimoine naturel et culturel, sur la capitale nationale et sur les symboles nationaux, la Fête nationale et l’hymne national.

Le titre I pourrait être suivi d’un titre II sur le développement humain et le développement durable. En allant plus loin à cet égard que dans le projet de Constitution québécoise, il est proposé d’enchâsser dans l’article 8 des dispositions créant une obligation constitutionnelle d’agir dans le respect des principes du développement humain et du développement durable. S’agissant du développement humain, l’article 8 vise à enchâsser le «processus d’élargissement des choix d’ordre économique, social, politique et culturel». La constitutionnalisation du développement durable est destinée quant à elle à engager le Québec dans un «processus continu d’améliorations des conditions d’existence des populations actuelles qui ne compromet pas la capacité des générations futures de faire de même et qui intègre harmonieusement les dimensions environnementale, sociale et économique du développement».

Le troisième titre du projet de Constitution de la République québécoise porterait sur les devoirs et les droits fondamentaux. Le projet de catalogue des devoirs et droits fondamentaux se trouverait dans une version modernisée de la Charte des droits et libertés de la personne qui serait renommée Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux pour tenir compte de la terminologie privilégiée par l’Union européenne et qui est également utilisée dans la Francophonie. La nouvelle charte serait incorporée par un renvoi effectué par l’article 9 de la Constitution de la République québécoise.

Deux dispositions de portée générale sont insérées dans le corps même du projet de constitution. L’article 10 se présente sous la forme d’une clause de limitation prévoyant que les droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. Destinée à remplacer l’article 52 de l’actuelle Charte des droits et libertés de la personne, la clause de dérogation contenue au deuxième alinéa de l’article 10 permettrait au Québec de se conformer à l’esprit et la lettre de ses engagements internationaux et de respecter notamment l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette clause de dérogation n’autoriserait plus l’adoption d’une loi énonçant que cette loi ou une disposition d’une loi s’applique malgré la Charte à l’égard des droits ne pouvant faire l’objet d’aucune dérogation en vertu des engagements internationaux du Québec. Inspiré par la Convention américaine des droits de l’Homme, à laquelle le Québec pourrait devenir partie, l’adoption d’une loi portant atteinte aux garanties juridiques indispensables à la protection de ces droits ne serait pas autorisée par la nouvelle clause de dérogation. Ces droits se verraient ainsi attribuer le même caractère impératif par la Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux. Le Parlement du Québec ne pourrait adopter une telle loi de dérogation qu’à la majorité des deux tiers de ses membres présents, selon les modalités prévues à l’article 15 du projet de Constitution de la République québécoise.

La nouvelle Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux reprendrait pour l’essentiel le texte de la Charte des droits et libertés de la personne, mais pourrait innover en plusieurs aspects. Elle pourrait affirmer, comme le fait l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Il serait également rappelé que ces êtres humains sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Il serait ajouté que l’individu a des devoirs envers les personnes ainsi qu’à l’égard des collectivités au sein desquelles seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.

La nouvelle charte pourrait enchâsser les droits fondamentaux des personnes, mais également les droits fondamentaux des collectivités. Il pourrait être garanti aux personnes des droits civils, judiciaires, politiques et écologiques ainsi que des droits économiques, sociaux, linguistiques et culturels. Il suffirait de reprendre, en les regroupant, les articles 1 à 48 de la Charte des droits et libertés, et d’y inclure des garanties judiciaires applicables en matière criminelle. Quelques droits nouveaux pourraient être constitutionnalisés, qu’il s’agisse, comme la Commission des États généraux sur la langue française l’a recommandé, des droits linguistiques fondamentaux et de la liberté de la recherche académique reconnue par l’article 13 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’innovation pourrait résulter également du fait que les droits économiques, sociaux, linguistiques et culturels auraient dorénavant un caractère «justiciable» en raison de la suppression des clauses d’exclusion rendant de tels droits conditionnels à leur reconnaissance par la loi et qu’il serait donc possible pour un juge d’exiger le respect de ces droits même si leur existence n’est pas prévue dans d’autres lois.

La nouvelle Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux pourrait aussi reconnaître les droits fondamentaux des collectivités. Il est proposé d’enchâsser dans la Constitution de la République québécoise les droits appartenant aux Premières Nations et à la nation inuite en leur garantissant les droits existants, ancestraux ou issus des traités. Elle pourrait aussi affirmer que celles-ci ont le droit d’utiliser, de développer, de revitaliser et de transmettre aux générations futures leurs traditions orales, religieuses et culturelles. Elle définirait leur autonomie gouvernementale comme le droit d’avoir et de contrôler, dans le cadre d’ententes avec le gouvernement du Québec, des institutions qui correspondent à leurs besoins dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la langue, des services sociaux et du développement économique.

Les droits de la communauté anglophone mériteraient également d’être reconnus. Ainsi, le droit à la préservation et au libre développement de ses institutions ainsi qu’à son identité historique, linguistique et culturelle pourrait faire l’objet d’une protection. La communauté anglophone pourrait se voir garantir un droit de gestion à l’égard des établissements d’enseignement qui offrent un enseignement de niveaux primaire et secondaire en anglais et des établissements publics qui dispensent en langue anglaise un service d’intérêt général éducatif, sanitaire, religieux ou culturel.

De la même façon que la Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux imposerait des devoirs aux personnes, elle devrait affirmer que les collectivités ont le devoir d’exercer leurs droits fondamentaux dans le respect de la Constitution de la République québécoise ainsi que des lois et du territoire du Québec.

Le titre IV serait relatif aux institutions républicaines du Québec. Il comporterait les éléments d’une véritable réforme des institutions démocratiques du Québec et concrétiserait le choix d’un régime républicain pour l’État québécois. Il serait proposé de revoir les fonctions et le mode de désignation du chef d’État et du chef de gouvernement ainsi que le partage éventuel des pouvoirs exécutif et législatif entre la présidence, le gouvernement et le Parlement du Québec.

Il est proposé d’opter d’abord pour une séparation plus étanche des pouvoirs que celle que nous connaissons actuellement au Québec. Ainsi, la personne élue à la présidence du Québec serait à la fois le chef d’État et le chef du gouvernement. Cette modification de l’architecture institutionnelle est d’inspiration américaine et fait revivre la proposition formulée dans le programme adopté par le Parti québécois lors de son congrès de 1974. Elle se distingue des formules retenues dans des régimes présidentiels où les positions de chef d’État et chef de gouvernement sont tenues par des personnes différentes et où coexistent, comme c’est le cas en France, une fonction de président et une fonction de premier ministre. Une telle coexistence est souvent source de conflits entre les personnes qui occupent ces deux fonctions et tend à ne pas favoriser la cohérence des actions de la présidence et du gouvernement. C’est à la présidence que serait conférée la prérogative de désigner les ministres et, de façon à assurer une véritable séparation des pouvoirs exécutif et législatif, ceux-ci ne pourraient pas assumer une fonction parlementaire.

L’exercice du pouvoir législatif serait confié quant à lui à un nouveau Parlement du Québec. Ce Parlement serait assez différent de celui que nous connaissons puisque les membres du gouvernement n’y siégeraient pas. La présidence et ses ministres ne participeraient pas aux délibérations du Parlement, mais pourraient toutefois y être interpellés à l’occasion de périodes de questions, comme c’est le cas dans d’autres régimes présidentiels. Le renouveau de l’institution parlementaire pourrait passer par la création d’une institution bicamérale composée de l’Assemblée nationale et d’une Chambre régionale. Il est proposé que l’Assemblée nationale soit composée de députés ayant comme responsabilité d’initier des lois en tenant compte de l’intérêt national et que la Chambre régionale soit composée quant à elle de représentants dont la mission serait de tenir en compte les intérêts et les besoins régionaux dans l’élaboration des lois et d’autres actes relevant de la compétence du Parlement du Québec. Les deux instances parlementaires, réunies en Congrès, détiendraient ensemble des responsabilités relativement à l’approbation des engagements internationaux importants ainsi qu’à l’investiture des juges de la Cour suprême du Québec. D’autres grands officiers de l’État québécois, notamment le Directeur général des élections, le commissaire au lobbyisme, le Protecteur du citoyen et le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec devraient aussi être élus par le Congrès. Aux fins d’assurer leur indépendance et leur impartialité, il est également suggéré que la présidence de l’Assemblée nationale et de la Chambre régionale soit confiée non pas à des parlementaires, mais à des personnes élues par le Parlement du Québec selon le même mode. Ce sont aussi les deux composantes du Parlement du Québec se réunissant en Congrès qui pourraient adopter les modifications à la Constitution de la République québécoise. Des modifications au mode de scrutin devraient aussi être envisagées pour le Parlement et le remplacement de l’actuel mode de scrutin uninominal à un tour par un nouveau système de représentation proportionnelle.

La Constitution de la République québécoise contiendrait aussi des dispositions sur le gouvernement du Québec. Ainsi, l’article 17, rappellerait qu’il est l’organe qui détermine et conduit la politique générale de l’État du Québec et qu’il assure l’exécution des lois et dispose, conformément à la loi, du pouvoir réglementaire. Dans le cas du gouvernement, la réforme résulterait du fait que le Conseil des ministres serait dorénavant composé de ministres désignés par la présidence et qu’un député ou un représentant ne pourrait être membre du Conseil des ministres. Il faudrait prévoir qu’une personne élue à l’Assemblée nationale ou à la Chambre régionale pourrait être nommée ministre à condition de démissionner de son poste de député ou de représentant. L’article 18 prévoirait par ailleurs qu’une loi préciserait les modalités d’organisation et de fonctionnement du gouvernement du Québec.

En ce qui a trait à la magistrature du Québec, il est proposé que la Cour du Québec et la Cour supérieure du Québec soient regroupées pour former la Cour du Québec, alors que la Cour d’appel du Québec serait maintenue. La Cour suprême du Québec deviendrait le tribunal général d’appel, mais serait également investie d’un pouvoir de contrôle de la constitutionnalité des lois nationales et des engagements internationaux. Comme le prévoient les alinéas 2 et 3 de l’article 20, la Cour suprême pourrait exercer ce pouvoir sur saisie de la présidence du Québec, de la présidence de l’Assemblée nationale, de la présidence de la Chambre régionale, de 25 députés ou de 15 représentants qui pourraient soumettre la question de la compatibilité d’un projet de loi ou d’un projet d’engagement international avec la Constitution de la République québécoise à la Cour suprême du Québec. Pour assurer leur indépendance, le processus de nomination des juges des tribunaux du Québec serait constitutionnalisé par l’article 21. Les juges de la Cour du Québec et de la Cour d’appel du Québec seraient nommés par la présidence du Québec sur recommandation du ministre de la Justice, alors que les juges de la Cour suprême du Québec seraient nommés par la présidence du Québec après leur investiture, à la majorité des deux tiers, par l’Assemblée nationale et la Chambre régionale réunies en Congrès. L’article 22 précise que les juges de la Cour du Québec, de la Cour d’appel du Québec et de la Cour suprême du Québec seraient indépendants, ne seraient soumis qu’à la loi et ne pourraient contre leur gré faire l’objet d’une suspension, d’une mutation ou être démis de leurs fonctions qu’en vertu d’une décision judiciaire et pour les seuls motifs et dans la seule forme prescrites par la loi.

Il s’avérerait opportun de constitutionnaliser l’existence des institutions municipales, métropolitaines et régionales du Québec. La question de la décentralisation au Québec devra être abordée à l’occasion des travaux sur la Constitution de la République québécoise et un nouveau partage des compétences entre l’État et les institutions municipales, métropolitaines et régionales devra être effectué. Il est proposé d’inclure un article 24 reconnaissant que les institutions locales, métropolitaines et régionales du Québec seraient des divisions territoriales dotées d’une personnalité juridique propre et leur garantissant le droit d’organiser une gestion autonome dans leurs domaines de compétence, conformément à la loi.

Dans le projet de Constitution de la République québécoise, il serait approprié d’inclure un titre distinct sur les relations internationales du Québec. Le titre V prévoirait dès lors un partage des responsabilités entre la présidence, le gouvernement et le Parlement dans le processus de conclusion des engagements internationaux. Celui-ci prévoirait que le gouvernement négocie, signe et ratifie les engagements internationaux du Québec, la ratification des engagements internationaux importants et fondamentaux étant toutefois réservée à la présidence du Québec. Il est d’ailleurs prévu que le Parlement du Québec devra approuver les engagements internationaux importants, mais il est également proposé que l’approbation d’engagements internationaux fondamentaux, par exemple un traité instituant une zone de libre-échange des Amériques, devra être faite par le peuple du Québec par la voie d’une consultation populaire. Il est proposé par ailleurs que le droit international se voie reconnaître une supériorité sur le droit interne et que les règles du droit international l’emportent ainsi sur toute règle incompatible du droit québécois, y compris celles contenues dans la Constitution de la République québécoise. Une telle supériorité se justifie en raison de l’obligation d’exécuter de bonne foi ses obligations internationales et de la nécessité de se comporter de manière responsable au sein la communauté internationale.

Les questions relatives à la suprématie, à la révision et à la diffusion de la Constitution sont traitées dans le titre VI. S’agissant de la suprématie, il est proposé à l’article 26 que les règles de la Constitution de la République québécoise l’emportent sur toutes les règles de droit qui leur sont incompatibles. Une telle clause de suprématie ferait de celle-ci la loi la plus fondamentale du Québec.

L’article 27 prévoit que l’initiative de la révision relèverait principalement du Parlement du Québec. Et que serait assurée une participation importante des citoyens au processus de révision de la Constitution, tant sous l’angle de l’initiative de la révision de la Constitution que sous celui de l’approbation des modifications constitutionnelles. À ce dernier égard, il est proposé que l’initiative de la révision de la présente Constitution appartienne également aux citoyens dans les cas et conditions prévues par la loi et qu’une loi sur l’initiative populaire soit adoptée.

Quant à l’approbation d’une proposition de révision constitutionnelle relative aux articles 9 à 11 de la Constitution portant sur les devoirs et droits fondamentaux, elle devrait être obtenue par les citoyens du Québec par le biais d’une consultation populaire. Il y a également lieu de prévoir, comme le faisait l’alinéa 3 de l’article 8 du projet de loi sur l’avenir du Québec, que des représentants des Premières Nations, de la nation inuite et de la communauté anglophone soient invités à participer à ces travaux pour ce qui est de la définition de leurs droits. L’alinéa 2 de l’article 27 prévoit aussi que lorsqu’une proposition de révision des articles 26 à 29 de la Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux serait présentée au Parlement du Québec, les représentants des collectivités concernées seraient invités lors son l’étude. Il y a également lieu de définir la majorité requise pour adopter une révision constitutionnelle et mettre la Constitution de la République québécoise à l’abri de changements au gré des majorités parlementaires. L’obtention d’une majorité des deux tiers des voix des membres du Parlement, en Congrès, conviendrait pour l’adoption d’une révision constitutionnelle.

La question de la diffusion de la Constitution de la République québécoise fait l’objet d’une disposition voulant que tout citoyen reçoive le texte de celle-ci lorsqu’il atteint l’âge où il peut exercer le droit de vote ou lorsqu’il acquiert la citoyenneté québécoise. L’alinéa premier de l’article 28 prévoit que tout citoyen pourrait également obtenir la Constitution de la République québécoise en adressant une demande écrite à la présidence du Québec. Il est prévu que la version officielle de la Constitution serait en langue française et qu’elle serait également accessible dans une version en langue anglaise, dans les langues des Premières Nations et en inuktitut.

Le titre VII présente les dispositions transitoires et finales. Aux fins d’assurer une transition harmonieuse dans le processus d’accession du Québec à l’indépendance, l’article 29 prévoit que la législation du Québec applicable avant l’entrée en vigueur de la Constitution de la République québécoise continuerait d’être en vigueur. S’agissant de l’entrée en vigueur de cette dernière, l’article 30 prévoit qu’elle pourrait se produire à une date précise et il est suggéré que cette date devienne, comme c’est le cas dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis d’Amérique, le Jour de la Constitution de la République québécoise.

De la voie parlementaire à la démarche citoyenne: la Commission de la Constitution québécoise et l’Assemblée constituante du Québec

Après avoir illustré le contenu possible d’une constitution interne et d’une constitution républicaine concrétisant les options autonomiste et souverainiste, il importe maintenant de proposer une démarche qui permettra d’arrimer le travail d’élaboration et d’examen des projets visant à doter le Québec d’un nouvel ordre constitutionnel. À cet égard, il est proposé que, dans un premier temps, l’examen des projets de constitution interne et de constitution républicaine soit fait par la voie parlementaire et mette en scène une commission de la Constitution québécoise. Dans un deuxième temps, il est suggéré qu’une démarche citoyenne soit choisie pour échanger et rédiger une version définitive d’une constitution républicaine et qu’elle donne lieu à l’institution d’une Assemblée constituante du Québec.

De la voie parlementaire: la Commission de la Constitution québécoise

Le débat sur l’option autonomiste et sur le projet de constitution interne qui en serait l’expression pourrait avoir lieu devant une commission de la Constitution québécoise instituée par l’Assemblée nationale du Québec. Dans une perspective historique, ce geste aurait d’ailleurs comme conséquence de faire revivre le Comité de la Constitution qui avait vu le jour en 1967 et auquel avait succédé une Commission de la Constitution dont les travaux n’avaient toutefois pu mener à l’adoption d’une constitution interne du Québec.

Cette Commission de la Constitution québécoise aurait le mandat d’étudier à la fois le projet de constitution interne et celui de constitution républicaine dont le saisirait le gouvernement dès la prise du pouvoir. La commission procéderait à des consultations générales de façon à assurer que les deux projets puissent être commentés et bonifiés par la population du Québec. Elle devrait évaluer l’impact des autres propositions formulées par les personnes et les groupes qui se présenteraient devant elle et préparer deux nouveaux projets sur la base des modifications que ses membres considéreraient essentielles pour traduire un consensus sur l’option autonomiste et l’option souverainiste.

Cette commission devrait également détenir le mandat de préparer un projet de résolution de modifications de la Constitution du Canada. Un tel projet devrait notamment contenir des modifications visant à conférer une reconnaissance constitutionnelle à la nation québécoise, à prévoir les nouvelles compétences partagées et exclusives du Québec. Il devrait également inclure des dispositions visant à assurer que le principe de laïcité et la clause d’interprétation contenus à l’article 8 du projet de Constitution québécoise ne soient pas rendus inopérants par les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 et de sa Charte canadienne des droits et libertés qu’il s’agisse du principe reconnaissant la suprématie de Dieu auquel fait référence le préambule ou de l’objectif visant à promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens énoncé à l’article 28. Le projet de résolution devrait également prévoir des modifications reconnaissant au Québec le pouvoir de nommer les juges de la Cour supérieure du Québec, de la Cour d’appel du Québec et de la nouvelle Cour suprême du Québec.

Les consultations générales pourraient s’avérer l’occasion de formuler des propositions susceptibles de bonifier le projet de Constitution québécoise. On pourrait ainsi modifier la liste des compétences pour accroître davantage l’autonomie constitutionnelle du Québec. D’aucuns pourraient vouloir que le Québec puisse se voir reconnaître le droit d’être représenté par des équipes distinctes lors de grandes compétitions sportives internationales, comme les Jeux de la Francophonie ou la Coupe du monde de hockey. On pourrait vouloir doter le Québec d’une présidence détenant de pouvoirs plus importants et envisager des modifications de la Constitution du Canada visant la charge du lieutenant-gouverneur du Québec.

La Commission aurait également comme mandat d’élaborer un projet de loi sur l’Assemblée constituante et de consulter la population sur les questions relatives à la composition, le mandat, l’organisation et le fonctionnement de cette assemblée.

S’agissant de la composition de la Commission de la Constitution, le modèle des deux commissions instituées par la Loi sur le processus de détermination de l’avenir politique et constitutionnel du Québec pourrait être suivi. Ainsi, la Commission pourrait être composée de 18 membres, comprenant le premier ministre, le chef de l’opposition officielle et 16 députées et députés, dont neuf du parti gouvernemental, cinq du parti de l’opposition officielle et deux appartenant à d’autres partis représentés dans l’opposition.

La Commission présenterait un rapport à la fin de ses travaux. Ce rapport contiendrait le nouveau projet de Constitution québécoise et le projet de résolution de modifications de la Constitution du Canada. Dans son rapport, la Commission pourrait identifier les articles du projet de Constitution québécoise devant faire l’objet d’une adoption immédiate par l’Assemblée nationale du Québec et ceux dont l’adoption serait suspendue pendant la négociation portant sur les projets de modifications de la Constitution du Canada. Le rapport inclurait également le nouveau projet de Constitution de la République québécoise ainsi que le projet de loi sur l’Assemblée constituante du Québec.

Après l’adoption de la Constitution québécoise par l’Assemblée nationale et pendant le cours des négociations relatives aux modifications de la Constitution du Canada, il est suggéré d’entreprendre une démarche citoyenne visant à faire examiner le nouveau projet de Constitution de la République québécoise par l’Assemblée constituante du Québec.

La démarche citoyenne : l’Assemblée constituante du Québec

Pour examiner le projet d’une constitution républicaine du Québec et la réforme en profondeur du régime politique susceptible d’être établi dans un Québec souverain, il est suggéré de procéder à une consultation de très grande envergure et d’instituer à cette fin l’Assemblée constituante du Québec. Cette assemblée constituante aurait le mandat d’étudier le projet de Constitution de la République québécoise qui aurait été préparé par la Commission de la Constitution québécoise et que lui transmettrait l’Assemblée nationale du Québec.

Il est suggéré que l’Assemblée constituante soit composée de personnes élues aux fins d’examiner et de bonifier le nouveau projet préparé par la Commission de la Constitution québécoise. L’élection de ces membres se ferait au suffrage universel, selon un système de représentation proportionnelle ayant comme objectif la parité hommes-femmes. Une telle parité étant également prévue par la commission constituante et dont l’article 6 du projet de loi sur l’avenir du Québec prévoit la mise sur pied.

Les travaux de l’Assemblée constituante devraient être organisés de manière à favoriser la plus grande participation possible des citoyennes et des citoyens du Québec. Celle-ci pourrait privilégier, entre autres moyens, la tenue d’audiences publiques dans diverses régions du Québec, l’audition d’experts et la tenue de forums sur des aspects particuliers du contenu de la Constitution de la République québécoise.

La démarche citoyenne pourrait être l’occasion de formuler des propositions novatrices et originales. On pourrait ainsi insérer dans la Constitution une charte québécoise du développement humain et du développement durable. Le catalogue des droits fondamentaux pourrait être enrichi par d’autres droits relatifs à la sécurité alimentaire et à la protection contre des organismes génétiquement modifiés. Les questions difficiles et controversées comme celles relatives à l’euthanasie, à la procréation, à la peine de mort pourraient trouver une place dans la charte. On pourrait envisager d’intégrer des dispositions générales sur l’application du principe de laïcité ainsi que la référence à une charte québécoise de la laïcité dont les dispositions seraient, comme pour la Charte québécoise des devoirs et des droits fondamentaux, incorporées dans la Constitution.

Sur le plan de l’architecture institutionnelle, certains pourraient préférer un régime présidentiel et parlementaire et vouloir distinguer la fonction de chef d’État de celle de chef de gouvernement, et maintenir, comme dans la République française, la position de premier ministre. D’autres pourraient vouloir retenir un système parlementaire supposant la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le maintien du cumul des rôles de député et de ministre.

Des solutions de rechange au mode de scrutin proportionnel pourraient être présentées à l’Assemblée constituante, et les modèles sont multiples, comme celui à deux tours comme en France. S’agissant des institutions judiciaires, on pourrait vouloir conférer à un Conseil constitutionnel plutôt qu’à la Cour suprême du Québec le soin d’exercer le contrôle de la constitutionnalité. Et d’aucuns pourraient vouloir une participation plus grande des citoyens à la révision et à l’approbation des propositions de révision de la Constitution et élargir l’éventail des dispositions de la Constitution qui ne pourraient être modifiées qu’avec l’assentiment du peuple à l’occasion d’une consultation populaire.

Toutes ces propositions et la démarche citoyenne à l’intérieur de laquelle elles s’inséreront devraient avoir comme dénouement l’adoption du texte d’un projet de Constitution de la République québécoise par l’Assemblée constituante du Québec. L’adoption de ce texte devrait coïncider avec la fin du délai prévu pour les négociations entreprises sur la base du projet de résolution de modifications de la Constitution du Canada destinée à assurer l’autonomie constitutionnelle du Québec.

Si le projet d’autonomie constitutionnelle du Québec devait être rejeté par l’Assemblée constituante, il faudrait dès lors envisager de soumettre le projet de Constitution de la République québécoise à une consultation populaire. Si le peuple du Québec approuvait le projet de Constitution de la République québécoise, il appartiendrait à l’Assemblée nationale du Québec d’adopter le texte et de prévoir sa date d’entrée en vigueur. L’entrée en vigueur de cette Constitution, et en particulier de son article 1 qui affirme que le Québec est un État indépendant, équivaudrait à une déclaration de souveraineté.

Conclusion

L’idée de doter le Québec de sa propre constitution est susceptible de devenir un point de ralliement pour les personnes qui sont d’avis que la question nationale ne peut être mise entre parenthèses et faire l’objet de moratoires répétés. Les options autonomistes et souverainistes seront bien servies par des projets de constitution interne et de constitution républicaine qui présenteront un véritable choix aux Québécois et aux Québécoises. Élaborés à la fois par la voie parlementaire et dans le cadre d’une démarche citoyenne, ces projets placeront aussi le Canada devant le choix de respecter la volonté d’autonomie constitutionnelle du Québec se reflétant dans un projet de Constitution québécoise' ou de reconnaître un nouveau pays s’étant doté d’une Constitution de la République québécoise.

Le temps est venu de munir le Québec d’une identité constitutionnelle, car la Constitution est, en définitive, le miroir d’une nation. Elle en décrit les valeurs et institutions. Elle consacre les devoirs et les droits fondamentaux. Elle organise la vie publique autour d’un texte fondateur. Elle peut aussi devenir un instrument que s’appropriera un peuple désireux de participer à la vie démocratique de la nation. Elle sera aussi source d’espoir, comme le rappelle le grand patriote constitutionnel Jacques-Yvan Morin:

Sans doute, le seul fait d’adopter une constitution formelle n’apportera-t-il aucune garantie de bon gouvernement et de droits égaux pour tous. Fonder quelque espoir sur la pure rationalité constitutionnelle relève à coup sûr de la pensée magique, dans la mesure où les normes ne sont pas solidement arrimées aux réalités, aux besoins et aux aspirations. Mais si elles peuvent l’être et si sont réunies les conditions qui permettent de faire de la loi fondamentale un compendium des valeurs du milieu, instrument pédagogique au service de l’éducation sociopolitique, alors on est en droit d’espérer doter le Québec d’une constitution « vivante », qui en serait certes le miroir, mais aussi le portrait idéal (Morin J.-Y., 1985, p. 220).

Références

  • Binette, A. (1992). «Pour une constitution du Québec». Le Devoir, 11 décembre, p. B-8.
  • Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et à l’accès à l’information (2003). Prenez votre place!, Cahier de participation, p. 19-20.

Notes

  1. L’ensemble des écrits que j’ai consacrés à la question d’une constitution pour le Québec est affiché dans la rubrique «Constitution.qc» de mon site électronique http://danielturpqc.org