Ouvrage:L’indépendance, maintenant !/L'indépendance du Québec, pourquoi ?

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Contributeur initial Gilbert Paquette


Introduction

Il faut d’abord expliquer la raison existentielle qui fonde l’aspiration des Québécois-ses à leur indépendance: contrôler collectivement nos décisions dans tous les domaines. Les Québécois ne forment pas une minorité ethnique, mais un État-nation dont la légitimité est fondée en démocratie sur la souveraineté du peuple. Or, la nation québécoise est annexée, subordonnée, englobée au sein d’un État contrôlé par autre nation: le Canada. Cette situation conduit à un choix: l’assimilation tranquille, que nous refusons, ou l’indépendance, essentielle à la pérennité de notre existence en tant que peuple.

Dans un deuxième temps, un tour d’horizon des grands défis qui confrontent notre nation s’impose. Ils soulignent que l’indépendance est nécessaire à l’essor du peuple québécois. L’indépendance n’est pas une question que l’on peut dissocier de la solution de ces défis collectifs, que nos adversaires et certains souverainistes appellent à tort les «vraies affaires». L’indépendance est une condition nécessaire, bien qu’insuffisante, de leur solution. Les liens entre l’indépendance et des questions telles que la langue, le développement durable, la solidarité sociale ou nos relations internationales ne seront ici qu’esquissés, laissant à d’autres chapitres de cet ouvrage le soin de les approfondir.

Dans un troisième temps, l’urgence de l’indépendance dans le contexte international actuel doit être discutée. 192 nations ont accédé à l’indépendance depuis la création des Nations Unies en 1945. Nous serons l’un des derniers peuples à le faire. Les adversaires de l’accession du Québec à l’indépendance prétendent que celle-ci serait pleine de dangers, comme si aucun peuple ne l’avait fait avant nous. Nous examinerons ces soi-disant obstacles, mais également les dangers du maintien de notre intégration au Canada, ainsi que les bénéfices de l’indépendance dans le contexte de la mondialisation.

L’indépendance, condition existentielle

Les Québécois ne forment pas une minorité ethnique, mais un État-nation fondé sur la souveraineté du peuple québécois. Ce peuple dispose d’un territoire et d’un État qui le rendent apte à se gouverner lui-même et pour lui-même selon ses propres fins, ses propres valeurs, sa propre culture, ses propres lois. L’existence de cet État distingue la nation québécoise d’une minorité ethnique, mais aussi des nations autochtones ou de la nation acadienne qui ne disposent pas d’un État, même partiel, ayant autorité sur un territoire précis. De plus, le Québec ne peut être considéré comme une province comme les autres, car il est le siège d’une nation qui dispose de toutes les bases d’une société complète avec sa population, son organisation, ses institutions d’éducation et de santé, son droit, sa justice, sa culture, sa langue, son économie, sa manière de vivre.

L’historien Maurice Séguin (1987) et le constitutionnaliste Jacques Brossard (1976) mettent en évidence les éléments qui constituent une nation. Ce n’est pas uniquement la langue, la religion, la culture ou l’histoire commune. Il existe en effet des nations distinctes, dont la langue, la religion et, jusqu’à un certain point, la culture et l’histoire sont communes. C’est le cas des pays latino-américains, par exemple. Ils n’en constituent pas moins des nations distinctes parce qu’elles se considèrent comme distinctes. Le propre d’une nation, c’est le fait de se savoir distinct, de former une collectivité distincte et de vouloir vivre ensemble. C’est aussi le contrôle d’un État régissant un territoire bien précis. C’est cette réalité qui fonde le droit de la nation québécoise à disposer librement d’elle-même, y compris d’accéder à son indépendance.

Notre histoire: 250 ans de résistance

Peuple conquis en 1760, les Québécois (qu’on appelait alors Canadiens) cessent de vivre dans une colonie française pour appartenir désormais à une colonie soumise aux lois du gouvernement impérial de Londres. Malgré ce traumatisme, les Québécois n’ont jamais baissé les bras tout au long de leur histoire, cherchant à obtenir le maximum d’autonomie ou de souveraineté pour leur patrie.

Treize ans après la Conquête, dès 1774, par l’Acte de Québec et ensuite par l’Acte constitutionnel de 1791, les Québécois obtiennent une certaine reconnaissance de leur existence distincte et une assemblée représentative consultative fondée sur le suffrage populaire. Engagés dans un processus d’émancipation au cours de la décennie commençant en 1830, ils cherchent à se libérer de la tutelle du gouvernement anglais représenté par le gouverneur britannique et un Conseil législatif non élu. Le Bas-Canada (c’est-à-dire le Québec) est déjà un État-nation francophone et pluriethnique en devenir. On ne peut douter de l’adhésion de la population francophone du Bas-Canada à cette aspiration à l’indépendance, mais de nombreux anglophones adhèrent également au principe du gouvernement démocratique par le peuple. En 1834, le Parti patriote présente 92 résolutions à la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada et au Parlement de Londres, résolutions que l’on qualifierait aujourd’hui d’autonomistes. Les résolutions 50 et 86 expriment la détermination d’obtenir gain de cause en menaçant de sécession en cas de refus.

Le rejet de cette volonté démocratique par le Parlement de Londres provoque le soulèvement de 1837-38. La répression armée de l’aspiration nationale amorça une longue période de refoulement et d’impuissance collective. Malgré tout, l’aspiration nationale est toujours présente. Même après la proclamation de l’Acte d’Union imposé au Bas-Canada, les francophones deviennent minoritaires, mais réussissent à se tailler une place en s’alliant à des leaders progressistes anglophones. Pour les Québécois, l’aspiration à l’indépendance se transforme en aspiration à l’égalité entre deux nations. Cet espoir survivra même après l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui fut présenté au Québec comme un pacte entre deux nations, jusqu’au rapatriement de la Constitution canadienne de Londres en 1982, qui niera ce principe.

La nouvelle Constitution de 1867 naît sous la pression des Canadiens anglais et des Britanniques, d’abord pour des raisons d’économie et d’occupation territoriale, mais aussi avec l’objectif de minoriser davantage les Québécois. Devant la menace d’un État unitaire canadien regroupant toutes les provinces britanniques au nord des États-Unis, plusieurs hommes politiques québécois acceptent le régime quasi fédéral proposé, espérant sauver une partie de l’autonomie acquise sous l’Union. Par un vote de 26 des députés canadiens-français du parlement de l’Union, contre 22 qui s’y opposent, sans aucune consultation du peuple du Québec, le Canada uni est démembré et le Québec devient l’une des quatre provinces fondatrices de la fédération canadienne. Pour beaucoup, la fédération apparaît comme un progrès par rapport à l’Acte d’Union, car elle donne au Québec un État provincial distinct, tout en le minorisant davantage, cependant, au sein du Canada. La présence de francophones dans d’autres provinces que le Québec encourage également ce rêve d’un patriotisme pancanadien fondé sur l’égalité des deux peuples fondateurs.

Très rapidement, plusieurs évènements viennent révéler aux francophones du Canada et aux Québécois les véritables intentions des Canadians, décidés à bâtir un pays anglophone fondé sur leurs propres valeurs et sur leurs intérêts.

  • Interdiction d’enseigner le français dans les écoles de la Nouvelle-Écosse (1864), du Nouveau-Brunswick (1871), de l’Île-du-Prince-Édouard (1877), du Manitoba (1890 et 1916) et de l’Ontario (1915).
  • Retrait, en 1892, de l’appui financier de l’État aux écoles séparées francophones des Territoires du Nord-Ouest (regroupant la Saskatchewan et l’Alberta), puis élimination du bilinguisme dans ces deux provinces lors de leur création en 1905.
  • Répression fédérale contre les Métis francophones du Manitoba et exécution de leur chef Louis Riel.
  • Engagement du Canada dans la guerre des Boers (1900) dénoncée par tous les francophones du Canada; conscription forcée et répression militaire violente dans la ville de Québec (1917); conscription forcée malgré un référendum démontrant l’opposition massive des Canadiens français (1942).

L’épisode de la création de la Saskatchewan et de l’Alberta en 1905 et du rejet de la partie du projet de loi prévoyant des écoles françaises subventionnées par l’État est particulièrement significatif. Le premier ministre fédéral Wilfrid Laurier, forcé de reculer sous la pression de ses propres ministres anglophones, est déçu et humilié. Au cours du débat, il déclare: «Chaque fois que je retourne dans ma province, je regrette d’y constater qu’un sentiment y existe que le Canada n’est pas fait pour tous les Canadiens. Nous sommes forcés d’arriver à la conclusion que le Québec seul est notre patrie, parce que nous n’avons pas la liberté ailleurs.» (Bilodeau et coll., 1971)

C’est justement lors de la présence de Québécois à la tête de l’État fédéral que se produisent d’importants reculs pour les Québécois, le plus récent exemple étant le rapatriement unilatéral de la Constitution sous Pierre-Elliot Trudeau. Le débat entourant le rapatriement de 1982 met fin définitivement au mythe d’un Canada fondé sur un pacte entre deux nations et à l’espoir d’égalité qu’entretiennent encore certains Québécois. Depuis ce temps, l’accord du Québec n’est plus nécessaire au fonctionnement du Canada comme l’a démontré éloquemment l’élection fédérale du 2 mai 2011.

Mais déjà au cours du 20e siècle, les Québécois s’orientent vers l’accroissement de l’autonomie de l’État du Québec au sein du Canada. Les premiers ministres du Québec, à partir d’Honoré Mercier jusqu’à Robert Bourassa, en passant par Taschereau, Duplessis, Lesage, Johnson et Bertrand, pratiquent, avec une intensité variable, l’autonomie provinciale et revendiquent, sans succès, des modifications substantielles à la Constitution pour augmenter les pouvoirs du Québec et freiner la tendance centralisatrice de l’État fédéral. Progressivement, le courant autonomiste se transforme en indépendantisme, jusqu’à la création du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) et du Parti québécois (PQ) de René Lévesque, qui propose, au référendum de 1980, une nouvelle entente fondée sur l’égalité entre deux nations souveraines. Au second référendum de 1995, l’appui à la souveraineté du Québec atteint 49,6% et se maintient depuis dans les sondages entre 40% et 47%, avec des pointes allant jusqu’à 52%.

Une nation annexée, subordonnée

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Ce résumé concis de l’histoire du Québec démontre que les Québécois forment une nation annexée, privée de la capacité de prendre des initiatives dans de trop nombreux secteurs de sa vie collective et de décider de ses affaires. Au mieux, la nation annexée assume la gestion des routes, de l’éducation et de la santé, mais elle est exclue des principaux leviers de l’économie et des affaires extérieures. En un mot, elle est subordonnée.

Cette situation est une forme d’oppression «tranquille». L’oppression nationale est un concept qu’il faut bien comprendre, tout comme celui de «violence». La violence peut être physique, comme dans les cas du génocide acadien de 1755, de la répression des patriotes en 1837-1838, de la pendaison de Louis Riel ou des arrestations de 1970. Mais en règle générale, l’oppression nationale ne consiste pas à s’en prendre aux individus, mais plutôt au lien même, au mortier, qui unit la nation. Les multiples décisions de la Cour suprême du Canada qui ont invalidé au fil des ans plusieurs dispositions de la Charte de la langue française (loi 101) en sont la manifestation. Certains ont comparé la Cour suprême à la tour de Pise en affirmant qu’elle penchait toujours du même côté. En fait, c’est la Constitution canadienne qui penche toujours du même côté, du côté de la nation majoritaire. On n'a pas à s'en surprendre.

La Constitution canadienne a été construite pour donner au gouvernement dit «national» un statut supérieur à celui des provinces, contre le gouvernement national des Québécois. Le partage des compétences dans la Constitution prive de toutes les façons le Québec de compétences majeures (transport maritime, ferroviaire et aérien, défense et armements, relations internationales, ouvrages interprovinciaux, etc.) dont certaines ont été identifiées aux sections précédentes, limitant sa capacité d’action tant sur le plan budgétaire ou règlementaire. La clause des compétences résiduaires fait en sorte que tout ce qui n’est pas prévu dans la constitution de 1867, notamment de la radio, de la télévision de des télécommunications, relève d’Ottawa. Les champs de compétences partagées, telle l’agriculture ou l’environnement sont par ailleurs soumis à la règle de prépondérance fédérale.

Par ailleurs, le gouvernement central dispose de six pouvoirs lui permettant d’invalider les lois du Québec (Lajoie, 2005; Paquette, 2010). Les juges de la Cour suprême sont nommés par le chef du gouvernement canadien. Ils émanent en majorité de la nation majoritaire et ils appliquent la politique de la nation majoritaire.Les jugements de la Cour suprême ont remplacé, dans les faits, le droit de désaveu qui permet, dans la constitution canadienne, au gouvernement fédéral d’invalider des lois provinciales. Depuis 1982, la promotion des droits individuels, grâce à la Charte canadienne des droits et libertés, se fait au détriment des droits collectifs, dont ceux de la nation québécoise. Le pouvoir déclaratoire, qui autorise le gouvernement fédéral à modifier la sphère de compétence d’un gouvernement provincial dans le cas de travaux dits « à l’avantage général de la fédération ». Le pouvoir « paix, ordre et bon gouvernement » a permis à Ottawa de suspendre les libertés civiles lors de la crise d’octobre 1970 en décrétant l’état d’urgence. Le « pouvoir de dépenser », un mécanisme non constitutionnel fréquemment employé, par lequel le gouvernement fédéral s’arroge le droit d’intervenir dans des sphères de compétences, même exclusives des provinces fait que le Québec est continuellement amputé de ses pouvoirs, les fonctionnaires d’Ottawa appliquant des mesures bureaucratiques uniformisantes « from coast to coast ».

Un lent processus d’assimilation

L’annexion prolongée conduit lentement mais inexorablement à l’assimilation. C’est le cas des Cajuns de Louisiane, de plusieurs minorités francophones de l’Ouest canadien et des Maritimes et de plusieurs peuples au cours de l’histoire.

Il n’y a que deux voies réalistes qui se présentent aux Québécois: l’assimilation ou l’indépendance. L’assimilation ne constitue pas un cataclysme subit. Il s’agit plutôt d’un lent processus tranquille par lequel l’attraction que constitue la nation majoritaire érode peu à peu la nation minoritaire. Les transferts linguistiques commencent d’abord au travail et évoluent progressivement vers la langue parlée à la maison. Cela peut prendre plusieurs siècles avant de compléter l’assimilation, mais elle est inexorable. Que reste-t-il de la nation cadjine en Louisiane que le rouleau compresseur américain a reléguée au folklore, non par la force des armes comme avec les Amérindiens, mais par simple attraction d’un côté et attrition de l’autre?

Les données des derniers recensements au Canada démontrent une diminution constante du nombre de Canadiens français, hors Québec, qui parlent encore français à la maison, exception faite de la péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick et de certaines régions ontariennes limitrophes du Québec. En dehors du Québec, il n’y a pas plus que 4,5% des Canadiens qui sont de langue maternelle française, et la moitié ne parlent plus français à la maison. Les chiffres démontrent aussi la vitalité linguistique de l’anglais et sa force d’attraction, même au Québec (Castonguay, 2011).

Dans la lutte pour la libération nationale des Québécois, il est impérieux de dénoncer le régime constitutionnel canadien en tant que mécanisme d’annexion des Québécois. Ce régime continue de nous maintenir dans un état d’infériorité, faisant en sorte que les conséquences de la conquête militaire de 1759 se poursuivent inexorablement. Ce régime nous condamne à la résistance dans un État provincial où les empiétements du fédéral se multiplient grâce à un déséquilibre de moyens, maintenant le Québec dans un état de dépendance politique où la force des armes est remplacée par la force démocratique du nombre. La Constitution canadienne est légale par défaut, mais elle est illégitime, car elle n’a jamais été soumise au peuple du Québec.

Les seules réponses jusqu’ici offertes par la fédération canadienne sont foncièrement incompatibles avec les aspirations du Québec comme nation. En voici la raison principale: 20 ans après Meech, l’opinion canadienne-anglaise est radicalement contre tout changement à un régime qui les sert bien. Aucun politicien ne peut aller à l’encontre d’une volonté dominatrice aussi manifeste de la majorité canadian.

En mai 2010, le Bloc québécois et les IPSO ont commandé un sondage pour connaître les opinions des Québécois et des Canadiens anglais sur cette question (Drouilly, 2010). En voici les principaux résultats:

  • Alors que 73% des Québécois souhaitent que la constitution canadienne reconnaisse que le Québec forme une nation, 83% des Canadiens sont en désaccord.
  • Bien qu’une très forte majorité de Québécois (82%) souhaitent que le Canada amorce une nouvelle ronde de négociations afin de trouver une entente constitutionnelle satisfaisant le Québec, plus de 6 Canadiens sur 10 (61%) se disent en désaccord avec cette idée.
  • Près de 3 Québécois sur 4 (73%) sont d’accord pour un nouveau partage des pouvoirs et des ressources entre Québec et Ottawa, alors que 71% des Canadiens sont en désaccord.
  • Dans une proportion de 82%, les Québécois sont d’avis que le gouvernement québécois devrait disposer de plus de pouvoirs pour protéger la langue et la culture françaises sur son territoire, alors que 69% des Canadiens se disent en désaccord.
  • 90% des Québécois croient que le gouvernement du Canada devrait respecter les dispositions de la loi 101 qui fait du français la seule langue officielle sur le territoire du Québec; 74% des Canadiens manifestent leur désaccord.
  • Dans une proportion de 62%, les Québécois estiment que le Québec a le droit de se séparer du Canada, contre 70% des Canadiens qui sont d’un avis contraire.
  • Pour 75% des Canadiens, une majorité simple (50% plus une voix) est insuffisante pour que le Québec devienne souverain; 89% des Canadiens sont d’avis qu’il appartiendrait au Canada de déterminer la majorité requise dans un référendum sur la souveraineté du Québec.
  • 45% des Canadiens sont d’avis que le Canada doit refuser de négocier la souveraineté du Québec, suite à un OUI gagnant lors d’un référendum sur la souveraineté.

Ces résultats démontrent on ne peut plus clairement la relation de dominant à dominé qui hante l’esprit d’une majorité de Canadiens anglais. Ils démontrent un manque de respect total envers la nation québécoise qui, pourtant, a un droit absolu de choisir son avenir national. Cette attitude est confortée par la redéfinition du Canada qui se voit comme une société multiculturelle, principe maintenant inscrit dans la Constitution. Aux yeux de la majorité des Canadians, les Québécois n’apparaissent plus alors que comme une simple minorité ethnoculturelle parmi d’autres, dont la langue n’est même plus la deuxième en importance dans les provinces à l’ouest du Québec, où le Canada construit son avenir.

S’ajoute à cette attitude dominatrice le cadenas juridique fermé à double tour qui régit les amendements constitutionnels au Canada depuis le rapatriement de la Constitution en 1982. Pour le moindre changement à la Constitution, il faut désormais l’accord de 7 provinces représentant ensemble plus de 50% de la population canadienne. De plus, avant de donner leur accord, il est probable que les gouvernements des provinces voudront consulter leur population par référendum, consultation dont on peut facilement deviner l’issue.

Le Québec doit accéder à son indépendance pour un grand nombre de raisons, mais tout d’abord pour des motifs existentiels, pour maintenir et consolider son identité nationale, sa langue et ses valeurs par le contrôle de l’ensemble des secteurs de notre vie collective.

L’indépendance est nécessaire pour relever nos défis de société

Reprenons chacun des trois éléments qui définissent l’indépendance d’un État, soit le contrôle exclusif de faire ses lois, de percevoir et de disposer de ses impôts et d’établir ses relations extérieures avec d’autres États et organisations internationales. Que l’on soit de droite ou de gauche, quelles que soient les orientations que l’on veuille donner à notre société à l’avenir, quelles que soient nos priorités, les pouvoirs d’un État indépendant constituent un indispensable coffre à outils qu’il est urgent de rapatrier dans un État national complet.

Le contrôle exclusif de faire nos lois

Le Québec s’est doté en 1977 de la Charte de la langue française (loi 101) après un vaste débat démocratique qui a débuté avec la crise de Saint-Léonard et s’est poursuivi avec la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63) de la fin des années 60 et l’insatisfaisante Loi sur la langue officielle (loi 22) de Robert Bourassa au début des années 70. La Loi 101 a établi un régime accepté par la très grande majorité des citoyens de toutes origines, faisant du français la langue officielle et commune dans la sphère publique.

Or, cette «longue marche» de la démocratie québécoise pour consolider sa langue nationale, a été invalidée à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada, ce qui a conduit à la suppression ou à la modification de quelque 200 articles de la Charte de la langue française, dont la plus récente justifiant la création d’écoles passerelles permettant à des parents fortunés d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise, même s’ils n’y avaient pas droit auparavant. La Cour suprême appuie ses jugements sur l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée par le parlement fédéral dans la loi constitutionnelle de 1982. Cette charte est constitutionnalisée, ce qui signifie que chaque loi au Canada, y compris celles adoptées au Québec, peut être contestée en vertu de la charte et donc de la Constitution canadienne. Cela a pour effet de permettre l’annulation des lois promulguées par l’Assemblée nationale en vertu d’un texte constitutionnel que le Québec n’a jamais signé, lequel ne tient compte ni des aspirations fondamentales ni du besoin réel du Québec de pérenniser sa langue et sa culture. Plus précisément, l’article 23, qui sert de base au jugement de la Cour suprême, a été conçu explicitement pour contrer la loi 101 sur la langue d’enseignement de façon à étendre le droit d’inscrire leurs enfants à l’école anglaise aux parents ayant fait leurs études en anglais n’importe où au Canada.

Or, la loi constitutionnelle de 1982, certains l’oublient parfois, a été adoptée par le Parlement canadien sans le consentement du Québec, comme si ce dernier n’était qu’une colonie dont l’approbation n’était pas requise. Il n’y eut aucune consultation de la population du Québec, aucun référendum. La question ne fut pas discutée lors d’une élection. L’Assemblée nationale s’y est opposée fermement et aucun de nos gouvernements successifs, quels que soient les partis au pouvoir, n’a accepté d’y apposer sa signature jusqu’à ce jour.

Cette situation où le régime canadien invalide régulièrement les lois du Québec ancre l’idée selon laquelle les prises de position et les lois de l’Assemblée nationale du Québec, notamment en faveur du français, même approuvées unanimement par tous les partis politiques, ne sont pas importantes puisqu’elles peuvent être invalidées en vertu de la constitution canadienne. Les jugements de la Cour suprême invalidant des dispositions de la loi 101 est également néfaste parce qu’ils engendrent une incertitude sur les règles linguistiques au Québec, un doute sur la légitimité de la démarche du Québec, une invitation aux citoyens à se dissocier de la nation québécoise et de la langue commune, ciment de la nation. Dans un tel contexte qui perdure, comment se surprendre de la progression de l’anglais à Montréal, des difficultés d’intégration des allophones déchirés entre deux langues et deux nations, de la réaction des citoyens qui sont fiers de leur appartenance au Québec et qui voient notre identité nationale menacée?

Un autre exemple est celui de la solidarité sociale que la majorité des Québécois appuie et veut voir se réaliser dans les faits. L’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de s’accroître dans notre société. La croissance économique n’est plus synonyme de croissance de l’emploi. La richesse produite augmente plus rapidement que les salaires et que le nombre de personnes en emploi. En distribuant mieux la richesse, nous pourrions augmenter le nombre de personnes qui contribuent à la production des biens et services par leurs dépenses au Québec ou leur travail dans les organisations ou dans l’économie sociale, augmentant ainsi la richesse collective.

Bien qu’ils soient en désaccord sur de nombreuses questions quant à l’avenir socio-économique du Québec, les manifestes Pour un Québec lucide (Collectif, 2005) et Pour un Québec solidaire (Collectif, 2005) appuient tous deux l’idée d’établir un programme de revenu garanti au Québec. Or, un tel programme est impossible dans le régime canadien actuel. Une trentaine de programmes de soutien au revenu sont répartis entre les deux paliers de gouvernement: aide sociale, régime des rentes et prêts et bourses à Québec, assurance-chômage et pension de sécurité de la vieillesse au fédéral, pour ne nommer que les plus connus, sans compter les différents crédits d’impôt et autres mesures fiscales des gouvernements.

Sur un autre plan, celui du développement durable, la crise écologique mondiale, les coûts énormes et les risques pour l’être humain de la société de consommation à outrance soulignent l’évidence de l’absolue nécessité de nouvelles façons de produire et de consommer. Les efforts considérables requis pour le développement économique durable et l’indépendance énergétique nécessitent la récupération de l’ensemble de nos lois et de nos ressources. Il faudrait investir en quelques années des milliards de dollars dans les infrastructures, les trains de banlieue, la conversion des autobus et des taxis, les transports gratuits dans les centres-villes, de même que dans les sources nouvelles d’énergie pour remplacer les énergies fossiles.

Actuellement, dans le régime canadien, les compétences en environnement, en développement économique, en aménagement du territoire ou dans les transports sont partagées entre les deux paliers de gouvernement. Les politiques se chevauchent, se contredisent souvent et nous empêchent de contrôler à fond nos richesses naturelles pour relever le défi de l’indépendance énergétique. Les pressions des provinces productrices du pétrole engendrent des politiques rétrogrades au palier fédéral, totalement à l’encontre des besoins et des valeurs du Québec.

Dans un Québec indépendant, la Charte de la langue française sera rétablie dans son intégralité, et la capacité de parler français deviendra un avantage compétitif pour obtenir de l’emploi, pour travailler, se divertir et participer à la vie de la nation sur tous les plans. Nous aurons également les moyens de coordonner nos politiques dans tous les domaines pour favoriser plus d’équité sociale, pour mieux lutter contre la pauvreté et la précarité, pour consolider les acquis sociaux des citoyens. L’indépendance politique est également nécessaire pour notre indépendance énergique et le plein contrôle de nos ressources naturelles, pour créer une économie verte, un développement durable et pour lutter contre la dégradation du climat.

Le contrôle exclusif de nos ressources financières

L’urgence pour le Québec, comme pour les autres sociétés, d’investir massivement dans la société du savoir et l’éducation n’a plus besoin d’être démontrée. Elle est une condition essentielle au développement de l’économie et de l’emploi, et une arme contre la pauvreté et la précarité. Par ailleurs, le Québec doit relever le défi démographique du vieillissement de la population, qui est l’un des facteurs de la croissance rapide des coûts de la santé, lesquels prennent une part de plus en plus grande des dépenses de l’État québécois (Rapport Ménard, 2005). Sur ces deux questions, qui sont officiellement de responsabilité provinciale au Canada, et sur d’autres questions importantes, le Québec est mal équipé, étranglé financièrement par une marge de manœuvre plus réduite qu’au palier fédéral (Rapport Séguin, 2002).

Tous sont obligés de reconnaître maintenant la viabilité économique d’un Québec indépendant qui se classerait parmi les nations les plus riches de la planète. On ne soulignera jamais assez que notre nation a réussi à progresser tout en se privant d’une grande partie de ses recettes fiscales, environ 50 milliards de dollars en 2011, versées à l’État canadien qui les gère en fonction d’intérêts et d’objectifs déterminés par un Parlement où nous sommes de plus en plus minoritaires.

Voici quelques exemples de cette réalité:

  • Le gouvernement central a investi 14 milliards de dollars dans le développement des hydrocarbures, en particulier dans l’exploitation pétrolière des sables bitumineux de l’Alberta et quelque 6 milliards[1] dans le développement du nucléaire en Ontario, mais pas un seul dollar dans le développement de l’hydro-électricité au Québec. Comme nous finançons plus de 20% du budget fédéral, c’est donc au minimum 4 milliards de dollars de nos taxes qui ont été investis dans les ressources énergétiques des autres provinces.
  • Le budget de la Défense canadienne totalisera quelque 460milliards de dollars sur 20 ans[2], soit 23 milliards par année, dont le Québec paierait environ 4,6 milliards par année. Cela dépasse le déficit actuel du Québec, lequel amène le gouvernement du Québec à sabrer l’éducation et la santé. Le seul coût de la guerre en Afghanistan, à laquelle la majorité des Québécois étaient opposés, nous a d’ailleurs coûté quelque 2 milliards en 10 ans.
  • La fondation Suzuki maintient un compteur des subventions aux compagnies pétrolières[3], lesquelles totalisent plus de 2 milliards depuis le 25 septembre 2009. À l’encontre des valeurs du Québec, le gouvernement du Canada investit dans l’armement et le pétrole, plutôt que de sauvegarder l’environnement et l’avenir de la planète.
  • Les politiques fédérales de soutien à la recherche scientifique, génératrices de milliers d’emplois de haut niveau, favorisent systématiquement l’Ontario. Sur les 58 milliards investis par Ottawa de 1993 à 2007, 29 milliards, soit près de 60%, l’ont été en Ontario. Nous avons payé 12 milliards en taxes et reçu 9 milliards en investissements. Ainsi, 27 centres de recherche ont été créés du côté ontarien et aucun dans l’Outaouais québécois.
  • Sur le plan financier également, l’État canadien met tout en œuvre depuis plusieurs décennies pour développer Toronto comme centre financier international et comme centre des transports et des communications, au détriment de Montréal, jusqu’à ce projet de création d’une agence ontarienne — pardon, «nationale»! —, qui remplacerait l’Autorité des marchés financiers des provinces, dont celle du Québec. Dans le seul budget fédéral de l’année 2010, nous avons contribué pour près de 3 des 14 milliards de dollars dans l’industrie automobile ontarienne, alors que le gouvernement central a investi 100maigres millions dans la revitalisation de l’industrie forestière québécoise.

Les dépenses du gouvernement canadien, financées par nos taxes et nos impôts, favorisant le développement de l’Ontario et de l’Ouest. Avec le double du budget, un Québec indépendant dépenserait 100% des taxes et impôts de ses citoyens en fonction des priorités et des besoins du Québec, 0% dans les sables bitumineux de l’Ouest ou l’énergie atomique et 100% dans nos ressources renouvelables.

Le droit exclusif d’établir nos relations extérieures

Le nouveau nationalisme québécois se caractérise par son internationalisme. Le monde nouveau qui se développe fait des peuples des cellules du «village global», de la société internationale. Les économies sont de plus en plus intégrées entre elles. Notre capacité à exceller sur le plan scientifique et technologique, à exporter et à échanger, à participer au dialogue des cultures, à faire notre part dans l’équilibre écologique de la planète, à promouvoir la paix et la solidarité internationale, en un mot, notre capacité à aider à civiliser la mondialisation dépend de notre accession au concert des nations. Un peuple absent des organismes et des forums internationaux où se décident les orientations de la planète a peu d’avenir. La participation à la Société des Nations implique des relations entre égaux impossibles entre un peuple dépendant politiquement et des peuples jouissant de la pleine personnalité internationale et de tous leurs outils collectifs.

La mondialisation de l’économie nécessite, par ailleurs, que nous soutenions, par la concertation des acteurs socio-économiques et la concentration des moyens de l’État québécois, toute notre capacité compétitive sur les marchés internationaux. Notre présence dans les organes internationaux comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) est essentielle. Bernard Landry a exprimé magnifiquement cette incontournable nécessité de l’indépendance du Québec face à la mondialisation: «Pour éviter que la globalisation des marchés ne sombre dans l’anarchie économique et sociale ou ne soit régie par le gouvernement des multinationales, elle devra être de plus en plus placée sous la surveillance et le contrôle de pouvoirs supranationaux. Comme seules les nations reconnues sont admises à siéger dans ces instances mondiales supérieures, le pouvoir s’éloignera de plus en plus des citoyens et citoyennes du Québec s’ils ne se décident pas à faire leur indépendance nationale au plus tôt» (Landry, 1999).

L’indépendance est urgente pour le Québec

Depuis le temps qu’on en parle, notre émancipation nationale est de plus en plus urgente. Examinons la situation d’ensemble[4]. Quels sont les processus à l’œuvre qui rendent l’indépendance du Québec urgente en regard de son assujettissement provincial actuel? Dans son ouvrage The Dynamic of Secession, Viva Ona Bartkus (1999) propose un cadre d’analyse fondé sur l’examen d’un grand nombre de cas d’accession à la souveraineté. Elle conclut que la probabilité de la sécession s’accroît lorsque les bénéfices de l’indépendance augmentent et les coûts appréhendés diminuent, ou encore lorsque les bénéfices supposés de l'intégration diminuent et leurs coûts augment. Le Québec est de toute évidence entré dans un tel contexte, objectivement favorable à son indépendance nationale, comme l’illustre le tableau suivant.


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Les coûts de l’intégration au Canada augmentent

De plus en plus, le gouvernement fédéral devient, de fait, le gouvernement montant au Canada, prenant de plus en plus la place des gouvernements provinciaux, dont le Québec, même dans leurs domaines de compétence exclusifs selon la Constitution canadienne, comme l’éducation, la santé ou les richesses naturelles. Cela signifie que le gouvernement du Québec, sur la défensive, est de plus en plus impuissant à répondre aux besoins de ses citoyens. Dans chacun de nos projets collectifs, nous nous faisons dire de plus en plus que la solution est à Ottawa. Parfois, celui-ci répondra positivement, parfois, le plus souvent, les intérêts de l’Ontario ou de l’Ouest prévaudront (Lisée, 2000). Dans tous les cas, les services fédéraux seront de plus en plus uniformes d’un océan à l’autre puisque telle est l’approche de bureaucrates fédéraux, sans que l’on tienne compte des choix de société que les Québécois pourraient vouloir faire par eux-mêmes.

Des tendances lourdes comme l’étranglement financier qui menace le Québec, la centralisation à Ottawa et la minorisation des Québécois et des francophones au sein du Canada, et bientôt même à Montréal, sont des facteurs qui se conjuguent pour conduire à une attrition du fait français au Québec et au Canada accompagnée d’un affaiblissement du sentiment national et de l’identité québécoise. En somme, de nation sans État complet, nous risquons de régresser au rang de minorité linguistique au Canada, réduite à lutter pour sa survivance au lieu de prendre la place qui lui revient dans le concert des nations.

Les bénéfices potentiels de l’indépendance du Québec augmentent

L’indépendance peut seule permettre d’inverser ces tendances lourdes qui mènent toutes à la lente et inexorable assimilation de la nation québécoise. L’indépendance du Québec consolidera une fois pour toutes la langue française comme facteur d’intégration et de promotion pour tous les Québécois, quelle que soit leur origine. Elle est la seule façon de mettre fin à l’étranglement budgétaire du Québec en regroupant tous les impôts à Québec, créant une marge de manœuvre pour le réinvestissement en éducation et en santé et la décentralisation budgétaire vers les régions. La coordination de nos moyens financiers et législatifs permettra à notre État national de lutter plus efficacement contre les changements climatiques, contre la pauvreté, contre la dénatalité. Enfin, quant à notre participation à la vie internationale, la disparition de l’écran que constitue le gouvernement canadien nous permettra d’y défendre nous-mêmes nos intérêts économiques ainsi que notre vision sociale ou environnementale.

Les bénéfices de l’intégration au Canada disparaissent

Dans une lutte nationale comme celle que mène le Québec, les partisans du fédéralisme cherchent à mettre en évidence les bénéfices en matière de sécurité économique et de rayonnement international qu’apporterait au Québec son appartenance à la fédération canadienne. Or, plusieurs spécialistes notent que ces bénéfices sont décroissants dans le contexte de la mondialisation. «Les Catalans et les Québécois seraient plus enclins à considérer la sécession, maintenant que la transformation graduelle du système international a réduit les bénéfices traditionnels de l’intégration dans un plus grand État, en ce qui concerne la sécurité et les bénéfices économiques. [...] L’intégration au sein d’un État reconnu n’est plus jugée essentielle à la protection et à la promotion de la sécurité et des intérêts économiques des communautés.» (Barkus, 1999, p. 201-202)

Par ailleurs, un des bénéfices du fédéralisme souvent invoqué depuis l’arrivée de Pierre-Elliot Trudeau à Ottawa était la promotion de la langue française dans la fonction publique fédérale et comme langue seconde from coast to coast. Autrement dit, le grand espace canadien favoriserait l’expansion de la langue française. Or, l’analyse des recensements nous indique que 46% des francophones hors Québec et hors Nouveau-Brunswick ont cessé de parler leur langue à la maison et la tendance continue. Quant au français dans la fonction publique fédérale, un fossé sépare les gestes de la parole, aux dires mêmes du nouveau commissaire aux langues officielles, Graham Fraser (2007).

Les arguments sur les soit-disant coûts de l’indépendance ne tiennent plus la route

Les fédéralistes cherchent aussi à gonfler les coûts de l’indépendance en brandissant des menaces comme l’instabilité économique, la possible partition du territoire québécois ou les soi-disant obstacles juridiques quant au droit du Québec à faire son indépendance. Les réponses à ce type d’arguments seront développées au chapitre 12 sur l’accession du Québec à l’indépendance. Essentiellement, les données concernant les nouveaux pays d’Europe de l’Est montrent que ceux ayant obtenu leur indépendance au milieu des années 90, comme la Slovaquie, la Slovénie et la Tchéquie, s’en tirent mieux que les pays unitaires comme la Roumanie, la Hongrie ou la Bulgarie. Pour ce qui est de la possible partition du territoire québécois, elle est repoussée du revers de la main par les cinq experts en droit international commandités en 1992 par la Commission Bélanger-Campeau pour examiner cette question. Enfin, les obstacles juridiques que tente de créer le gouvernement canadien avec la loi sur la clarté ne tiennent plus la route depuis le jugement de la Cour internationale de justice sur le Kosovo en 2010. En définitive, la volonté majoritaire clairement exprimée du peuple québécois entraînera tôt ou tard la reconnaissance du Québec souverain par d’autres pays, comme cela s’est fait pour les 192 nouveaux membres des Nations Unies.

Conclusion: Une question de dignité, de responsabilité et de démocratie

L’indépendance du Québec est un projet éminemment démocratique de reprise en main par les citoyens de leur vie collective. Elle offre la chance d’établir ici, comme c’est le cas dans d’autres pays, une véritable démocratie de participation et de concertation. Elle offre la possibilité de fournir, avec les nouvelles responsabilités et la marge de manoeuvre financière récupérée, de larges moyens aux régions du Québec pour leur développement. Elle offre enfin au Québec une participation directe à la vie internationale pour y faire valoir ses valeurs et ses projets.

L’indépendance, ce n’est plus seulement défendre notre identité et notre héritage nationaux dans une mentalité de survivance, mais c’est bâtir notre avenir, inventer une société nouvelle, sûre d’elle-même et coopérant avec les autres, c’est acquérir la fierté d’une nation libre, inclusive, inventive, productive, pleinement démocratique et impliquée dans la Société des Nations. En définitive, c’est une simple question de démocratie, de responsabilité et de dignité.

Notes

  1. L’énergie nucléaire au Canada. Mémoire au Conseil des ministres de l’Énergie présenté le 11 septembre 2001 par l’Association nucléaire canadienne.
  2. Bill Robinson, Canadian Military Spending 2010-11, 9 mars 2011.
  3. «Dites au gouvernement qu'il honore sa promesse de supprimer les subventions à l'industrie des combustibles fossiles», site de la Fondation David Suzuki, 2011.
  4. Cette section reprend de larges extraits d’un article de l’auteur dans la revue L’Action nationale (Paquette, 2007).


Références

  • Barkus, V. O. (1999). The Dynamics of Secession. Cambridge, UK : Cambridge University Press.
  • Bilodeau, R. Comeau, R., Gosselin, A. et Julien, D. (1971). Histoire des Canadas. Montréal : Hurtubise HMH, 676 pages.
  • Brossard, J. (1976). L’accession à la souveraineté et le cas du Québec. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.
  • Castonguay, C. (2011). Le français dégringole! Relancer notre politique linguistique. Montréal : Éditions du Renouveau québécois.
  • Collectif (2005). «Pour un Québec solidaire», Le Devoir, 10 novembre.
  • Collectif (2005). «Pour un Québec lucide», Le Devoir, 1 novembre.
  • Drouilly, P. (2010). «20 ans après Meech», sondage d’opinion, Colloque Bloc-IPSO, mai. http://www.blocquebecois.org/dossiers/colloque-20-ans-apres-Meech/sondage.aspx
  • Fraser, G. (2007). Sorry, I don’t speak French – ou pourquoi quarante ans de politiques linguistiques au Canada n’ont rien réglé... ou presque. Montréal : Boréal.
  • Lajoie, A. (2005). «Le fédéralisme canadien: science politique fiction pour l’Europe?» Lex Electronica, vol. 10, no1, hiver. http://www.lex-electronica.org/articles/v10-1/lajoie.pdf
  • Landry, B. (1999). «La mondialisation rend la souveraineté plus nécessaire et urgente que jamais». L’Action nationale, mars.
  • Lisée, J.-F. (2000). Sortie de secours. Montréal : Boréal.
  • Paquette, G. (2007). «L’urgence de l’indépendance, dans le contexte de 2008», L’Action nationale, décembre.
  • Paquette, G. (2010). «L’ADN du Canada: un plan pour la centralisation». Le Devoir, 7 mai. http://www.vigile.net/L-ADN-du-Canada-un-plan-pour-la
  • Rapport Ménard (2005). Comité de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux du Québec. Pour sortir de l’impasse: la solidarité entre les générations.
  • Rapport Séguin (2002). Commission sur le déséquilibre fiscal. Pour un nouveau partage des moyens financiers au Canada.
  • Séguin, M. Les Normes. In Robert Comeau (éd.). (1987). Maurice Séguin, historien du pays québécois vu par ses contemporains. Montréal : VLB Éditeur, p. 81-220.