Ouvrage:Forger notre avenir/Blocages Identitaires, culturels et linguistiques

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Contributeur initial Commission des États généraux sur la souveraineté


Extrait de: Forger votre avenir


Introduction

De plus en plus, les Québécois affirment leur identité québécoise par opposition à l’identité canadienne. Actuellement, et ces chiffres sont en croissance depuis 10 ans, 71 % des francophones se considèrent Québécois d’abord (41 %) ou Québécois seulement (30 %) contre seulement 8% qui se considèrent Canadiens seulement (1 %) ou Canadiens d’abord (7 %). Un autre 20% se considèrent également Québécois et Canadiens [1]. Au cœur de cette identité québécoise, se trouve la langue française et un système de valeurs qui nous est propre et que tout observateur étranger reconnait facilement. Cependant, la présence d’une importante minorité anglophone, bénéficiant du soutien des politiques du gouvernement canadien et de l’environnement anglo-saxon nord-américain, a obligé le Québec à recourir à l’intervention de l’État pour défendre et promouvoir sa langue et sa culture dans toutes les sphères de la vie sociale, et plus particulièrement dans la sphère économique. Ces acquis sont aujourd’hui menacés par l’État fédéral. Le combat du Canada contre la responsabilité exclusive du Québec de légiférer en matière de langue est politique. Il est une forme d’oppression tranquille, attaquant l’identité et le ciment même de la nation québécoise.

Le combat pour l’identité et les valeurs québécoises

1. En 1901, les Québécois de langue française représentaient 31 % de la population canadienne. En 1951, ils étaient encore 29 %. En 2006, ils n’étaient plus que 22 % représentant 90 % des locuteurs français du Canada. Du rapport Durham à la pendaison de Louis Riel, au règlement 17 en Ontario et à la volonté de fermer l’hôpital Montfort, le gouvernement canadien laisse les provinces majoritaires anglophones perpétrer un ethnocide en douce des Acadiens et des Franco-Canadiens minoritaires.

2. Le dernier recensement nous apprend (à propos du Québec cette fois) que le poids des citoyens de langue maternelle française a chuté à 79,1 % au Québec et à 49,0 % sur l’île de Montréal. Le recul enregistré, entre 2001 et 2006, est du jamais vu dans l’histoire des recensements. La langue française comme langue maternelle ne perd pas seulement du poids mais sa force d’attraction et d’assimilation est de beaucoup inférieure à celle de l’anglais.

3. Après avoir été victime de plusieurs tentatives d’éradication et de minorisation et avoir fait un large débat de société, en 1977, le Québec se dotait de la Charte de la langue française (communément appelée « loi 101 »). Ce gain fut très temporaire. La nouvelle Constitution dont s’est dotée le Canada en 1982, contre le Québec, visait à priver explicitement ce dernier de son pouvoir exclusif de légiférer en matière de langue, d’éducation et de culture.

4. Et c’est en vertu de cette nouvelle Constitution que la Cour suprême, dont les juges sont nommés par le Canada, a dépecé systématiquement la loi 101, lui apportant plus de 200 amendements. C’est ainsi que de la Charte d’origine il reste peu de protection significative de la langue française. Ce qu’elles avaient entrepris, par la voie militaire et politique, pendant plus de deux siècles, les élites canadiennes l’ont poursuivi par la voie constitutionnelle et judiciaire.

5. Sur un certain nombre de questions fondamentales, les opinions des Québécois diffèrent de celles de la majorité des Canadiens, notamment, sur le droit à l’avortement, la réhabilitation des jeunes contrevenants, le maintien du registre des armes à feu, l’extraction du pétrole des sables bitumineux, la promotion de la paix et le rejet de la monarchie[2]. Le gouvernement central du Canada, majoritairement élu par le Canada anglais, légifère et légiférera, quel que soit le parti au pouvoir, en fonction des valeurs canadiennes plutôt que québécoises.

6. Le Québec accueille chaque année plus de 50 000 immigrants. En vertu de l’entente Cullen- Couture (1978), le Québec a un droit de regard sur la sélection de la moitié des immigrants et il privilégie ceux qui maîtrisent le français. Le gouvernement central du Canada conserve cependant la compétence principale, l’accueil dans ses ambassades et ses consulats et, surtout, l’octroi de la citoyenneté.

7. Tout immigrant au Québec est aux prises avec un choix déchirant. Le Québec a une langue officielle : le français; le Canada, deux, dont l’une prédomine de plus en plus : l’anglais! Alors que le Québec veut intégrer l’immigrant à sa culture francophone, en pratiquant un interculturalisme mutuellement enrichissant, le Canada, lui, propose, avec sa politique du multiculturalisme inscrite comme un droit dans sa Constitution, de l’isoler dans sa communauté culturelle d’origine.

La langue française menacée

8. Freinée par les entraves incessantes que lui impose le gouvernement canadien, la politique linguistique du Québec n’arrive pas à atteindre son principal objectif, soit celui d’assurer l’utilisation du français comme langue nationale et comme langue commune de communication.

9. L’usage du français comme langue commune sur le marché du travail se heurte au fait que 10 % des emplois au Québec (transport aérien, ports, fonction publique canadienne, télécommunications, etc.) relèvent du Code canadien du travail et échappent aux dispositions de la loi 101. Dans les grandes entreprises, situées dans la région de Montréal, la majorité des francophones recourt à l’anglais pour communiquer avec des anglophones.

10. L’attrait de l’anglais fait que la moitié des allophones qui opèrent un transfert linguistique choisissent l’anglais, alors que pour maintenir l’équilibre linguistique actuel il faudrait que neuf transferts sur dix se fassent vers le français.

11. Fortement encouragées par le régime canadien, les institutions anglophones du Québec, œuvrant en éducation, en santé et en culture, contribuent à l’anglicisation des allophones et de plusieurs francophones qui les fréquentent. Alors que la proportion d’anglophones de langue maternelle est de 8,3 % au Québec, la proportion des places d’étude en anglais est de 11% aux niveaux primaire et secondaire, de 17 % au collégial et de 25 % à l’université. Entre le secondaire, où s’applique la loi 101, et le collégial, où ladite loi ne s’applique pas, un transfert important se fait vers l’anglais. Parmi ceux qui ont fréquenté le réseau scolaire de langue française, 40% passent du côté anglophone au niveau collégial, de sorte que le cégep anglais est composé de 32 % d’allophones et de 16 % de francophones[3]. En 2011, les universités anglophones du Québec récoltaient environ 25 % des Chaires de recherche du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation versant par ailleurs, de 1996 à 2011, 35 % de ses fonds au Québec aux trois universités anglophones au mépris de toute préoccupation d’équité linguistique.

La culture et les médias sous contrôle fédéral

12. À l’ère de la mondialisation, les pays se définissent par leur culture et leur capacité à la communiquer. Au Québec, deux cultures principales s’affrontent. Bien qu’ils vivent et créent comme s’ils habitaient un pays indépendant, les Québécois sont néanmoins forcés d’endosser leur statut de province et de minorité linguistique dès lors qu’ils se présentent devant le plus important pourvoyeur de fonds en matière de culture et de média, le gouvernement canadien. Le budget de Téléfilm Canada pour le Québec est aux environs du double de celui de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) du Québec. Il en va de même pour le Conseil des Arts du Canada par rapport au Conseil des arts et des lettres du Québec. La plupart du temps, les projets des créateurs doivent obtenir l’aval des deux sociétés. Quant à Patrimoine Canada, il s’immisce dans tous les champs du domaine culturel. Malgré les oppositions unanimes de l’Assemblée nationale, en effet, le gouvernement canadien, par son pouvoir de dépenser, s’ingère dans les choix culturels du Québec.

13. La culture, plus particulièrement son expression artistique, a besoin du soutien des grands médias pour rejoindre la population. En 1931, le Comité judiciaire du Conseil privé a statué sur la radiodiffusion considérée comme une compétence fédérale. En 1945, le gouvernement central du Canada a refusé de délivrer un permis au gouvernement du Québec pour l’exploitation de Radio-Québec, société nouvellement créée. En 1968, dans le cadre de pourparlers constitutionnels, Québec a obtenu le droit de légiférer en matière de télévision éducative et a créé Télé-Québec. Toutefois, son statut ne lui permet pas de produire son propre bulletin de nouvelles. Dans les années 1970, la Cour suprême du Canada a confirmé la compétence du gouvernement canadien en matière de câblodistribution. En 1994, elle a rabroué les prétentions québécoises en réaffirmant la compétence exclusive du gouvernement canadien en matière de télécommunications.

14. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a juridiction sur les médias au Québec. Il accorde ou retire les permis aux chaînes radiophoniques ou télévisuelles; il peut en attribuer la propriété à des intérêts étrangers. Enfin, il détermine l’espace accordé en ondes à la chanson française.

15. Quoiqu’ils ne représentent que 12,9 % de la population métropolitaine (8,3 % au Québec), les anglophones, grâce aux choix du CRTC, ont accès au tiers des stations de radio (31 %) et à la moitié des six chaînes de télévision. Ils sont desservis par deux quotidiens : la Gazette de Montréal et le Record de Sherbrooke, dont le tirage atteint 17 % des ventes totales du Québec. De plus, ils disposent également d’une vingtaine de journaux dans les régions.

Québec province ou Québec pays ?
Que diriez-vous si le Québec récupérait tous les pouvoirs en matière d’immigration et de citoyenneté pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants au Québec plutôt que la ghettoïsation multiculturelle ? Que diriez-vous si nos artistes étaient entièrement soutenus par notre État national, en fonction des valeurs québécoises? Que diriez-vous si le Québec était en mesure de construire une identité qui soit déterminée par les valeurs fondamentales qu’il privilégie ? Que diriez-vous si le Québec était le seul maître des communications sur son territoire et le seul à pouvoir définir les conditions de diffusion imposées aux médias? Et que diriez-vous si on réécrivait la Charte de la langue française pour bloquer l’anglicisation du Québec en la soustrayant à la juridiction de la constitution canadienne?

Notes et références

  1. http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/la-decanadianisation-du-quebec-saccelere/7024/
  2. http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2012/03/20120311-073752.html
  3. IRFA, Le choix anglicisant – Une analyse des comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’île de Montréal, 7 septembre 2010