Ouvrage:Forger notre avenir/Blocages dans le développement des régions et l’aménagement

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Contributeur initial Commission des États généraux sur la souveraineté


Blocages dans le développement des régions et l’aménagement

Par le truchement de ses politiques en matière d’aménagement du territoire et de développement régional, le gouvernement central du Canada intervient à sa guise à l’égard du transport, de l’industrie, de l’agriculture, des pêches et océans, de l’habitation, des affaires indiennes et du développement des communautés. Le gouvernement canadien est propriétaire de vastes étendues du territoire québécois. Le Québec doit non seulement prendre acte des interventions fédérales et les subir mais encore, par ricochet, ajuster ses propres interventions publiques. Il a très peu de prise dans le domaine du transport, si vital pour l’aménagement du territoire et le développement économique, car il est exclu, conformément à la constitution canadienne, de toute tentative d’entreprises relatives aux « lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux[,] reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province », et de toute velléité de travaux, qui, « bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre de provinces ».

Le territoire du Québec tronqué

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On oublie parfois à quel point le régime canadien a défini de façon peu avantageuse le tracé des frontières du Québec. On peut bien évoquer, dans le cadre du Plan Nord, ces « ports en eaux profondes à notre extrémité nordique où mouilleront des navires en transit entre l’Europe et l’Asie », mais on ne sait pas s’ils seront au Québec, car de la baie James à la baie d’Ungava, « à marée haute, on est au Québec, et à marée basse, on en sort »! Or le Québec, s’il était souverain, aurait normalement droit, comme tout autre État, non seulement au maintien de ses frontières terrestres mais en outre à une mer territoriale de 12 milles marins et à une zone économique exclusive de 188 milles supplémentaires, dans le golfe Saint-Laurent, la baie James, la baie d’Hudson et le détroit d’Hudson. Son appartenance au Canada le prive d’un territoire considérable (André Binette, « Le territoire du Québec souverain », in L’indépendance maintenant !, Les IPSO, 2012). De plus, elle complique certains aspects du développement du Nord qui, lui, pourrait comporter des avantages substantiels pour l’économie de tout le Québec, s’il était réalisé au bénéfice premier de la collectivité.

Le gouvernement fédéral est le plus grand propriétaire foncier du Canada. Il possède ou loue plus de 25 000 propriétés dans l’ensemble du Canada, ce qui représente une Le gouvernement central du Canada exerce sa juridiction sur de vastes portions du territoire québécois. Outre les territoires des réserves autochtones, relèvent de sa juridiction, par exemple, les parcs fédéraux et les réserves fauniques, les bases militaires, les ports et les aéroports. Cette juridiction relative au territoire du Québec limite considérablement les compétences du Québec sur son développement régional et l’aménagement de son territoire.

Un exemple particulièrement probant est celui de l’expropriation à bas prix, au début des années 1970, d’un très grand espace de territoire de la région des Basses-Laurentides; en fait, un espace 10 fois plus grand que la superficie finalement occupée par l’aéroport de Mirabel et ses dépendances. En effet, à la suite d’une décision unilatérale du gouvernement central du Canada, fut exproprié un nombre élevé non seulement de propriétaires des meilleures terres agricoles du Québec mais aussi de citoyens vivant dans les municipalités visées. Selon le vœu unanimement exprimé au Québec, le nouvel aéroport devait être situé à Saint-Hubert afin de favoriser le développement économique à la fois de la région de Montréal et de la région du centre du Québec.

Plus d’une dizaine de lois canadiennes et québécoises encadrent les différents aspects de la gestion de l’eau des lacs et des rivières du Québec. On compte sept ministères canadiens qui interviennent dans la gestion de l’eau. Le gouvernement du Québec, lui, est responsable, entre autres choses, de la préservation de la qualité de l’eau [1], des habitats fauniques et des milieux aquatiques et riverains. On imagine sans peine les conflits de juridictions causés par cet état de choses, beaucoup de cas se retrouvant devant les tribunaux.

Les affaires municipales et les régions mal soutenues

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Les affaires municipales sont, conformément à la Constitution canadienne, de responsabilité « provinciale ». Mais comme le gouvernement central du Canada finance des projets municipaux, la politique du gouvernement du Québec est forcée de tenir compte de ce nouveau joueur. Les Centres locaux de développement (CLD) du Québec et les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) du Canada se disputent les interventions en région. Ils ne sont qu’un exemple parmi d’autres de ces doubles juridictions. Ces dédoublements de toutes sortes sont particulièrement coûteux, les élus municipaux et les entreprises locales devant faire la navette entre les deux ordres de gouvernement pour obtenir des fonds ou l’autorisation de réaliser des projets pressants pour leurs citoyens ou le développement de l’entreprise.


Le fait que la capitale du Canada soit située à Ottawa a un impact structurant énorme en faveur de l’Ontario. Les 138 000 fonctionnaires qui y travaillent, la haute administration ministérielle d’affiliation et de préoccupation ontariennes, les activités générées par les ambassades, les centres de recherche fédéraux, les fournisseurs ontariens du gouvernement canadien, le tout financé à plus de 20% par les fonds du Québec, font que le Québec est largement défavorisé.


Les décisions d’Ottawa de concentrer le transport aérien à l’aéroport de Pearson au détriment de celui de Mirabel, l’industrie de l’automobile et celle des services financiers à Toronto, drainant ainsi l’épargne des Canadiens et des Québécois, ont pour effet de réaliser, progressivement, la prévision de l’urbaniste de réputation internationale Jane Jacobs. Citons-la : « [Dans] les conditions “nationales” du Canada, la région de Montréal sera inévitablement appelée à devenir un satellite de Toronto, une ville inféodée à la métropole canadienne. Montréal en souffrirait, tout le Québec en souffrirait. »


Une politique globale de développement régional est impensable sans que le gouvernement national récupère l’ensemble des leviers que détient le gouvernement central du Canada. S’il les récupère, le Québec pourra transférer aux régions une partie de ses budgets et certaines de ses responsabilités.


Les municipalités québécoises, déjà aux prises avec des obligations financières difficiles, refusent, à juste titre, d’assumer la facture de la future stratégie pancanadienne des effluents d’eaux usées municipales dont les coûts estimés par le gouvernement central du Canada sont de 9 milliards $ sur 30 ans. Le gouvernement du Québec n’a pas adhéré à cette stratégie à cause des coûts et des dédoublements réglementaires que pourrait entrainer l’adoption d’une réglementation par les gouvernements canadien et québécois pour les mêmes installations de traitement. elevee-pour-les-municipalites-quebecoises


Avec le temps, le gouvernement central du Canada, par sa Société centrale d’hypothèques et de logement (SCHL), s’est donné un rôle majeur très rentable en matière de logement. La société nage dans des surplus accumulés qui sont en croissance constante. Au début de 2011, on prévoyait que ceux-ci totaliseraient 11 milliards 296 millions $ [2]. Au lieu d’investir une part de ces surplus dans le logement social, le gouvernement central du Canada a décidé de se retirer du financement des habitations à loyer modique (HLM), sauf dans les communautés autochtones, laissant le Québec s’arranger avec un déficit d’entretien cumulé estimé à au moins 1,8 milliard $, selon la Société d’habitation du Québec [3].


Les politiques de transport nous échappent

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Dans le domaine du transport ferroviaire, on parle, depuis plusieurs années, d’un train à grande vitesse (TGV) dans le corridor Québec-Montréal-Toronto-Windsor, consolidant l’axe Est-Ouest de l’économie. Les intérêts économiques du Québec résident davantage dans l’axe Nord-Sud. C’est dans le transport par train entre Boston et New York qu’une amélioration s’impose. Or, comme le stipule la Constitution, le gouvernement canadien a juridiction dans ce domaine. Par ailleurs, les décisions de créatures du gouvernement canadien, telle VIA Rail, ont un effet déstructurant sur les régions comme l’illustre, en Gaspésie, la fermeture du tronçon de train entre Matapédia et Gaspé.


Le gouvernement central du Canada a la compétence exclusive dans le domaine du transport aérien, en vertu de la clause de la Constitution qui lui attribue tous les pouvoirs résiduaires (non prévus en 1867). Il peut rendre inopérant un règlement municipal ou une loi québécoise limitant les endroits où des aérodromes peuvent être construits, comme dans le cas récent du projet d’aérodrome de Neuville. La Loi sur la partition publique au capital d’Air Canada relève également du gouvernement canadien. Jadis compagnie de la Couronne, aujourd’hui privatisée, Air Canada, après la fermeture de la compagnie AVEOS dont les activités étaient hier sous sa responsabilité, ignore les mises à pied de 1 800 postes d’entretien à Montréal. Et le gouvernement canadien s’en est lavé les mains.


Dans le transport maritime et fluvial, le Québec n’a pas juridiction sur la politique de navigation sur le Saint-Laurent ni sur les ports. À la fin du 19e siècle, le gouvernement central du Canada a construit tout un réseau de ports sur les deux rives du Saint-Laurent. Depuis des décennies, il laisse aller à l’abandon ces nombreux quais qui bordent les rives de la Gaspésie, de la Côte-Nord et des Îles-de-la-Madeleine. Pourtant, ces quais sont des moteurs économiques qui permettent à de nombreuses personnes de vivre du tourisme ou de la pêche, l’été venu. C’est l’âme même de plusieurs villages qui est menacée.


Plaque tournante de l’économie québécoise, selon certaines évaluations, le port de Montréal arrive bientôt à saturation. Le gouvernement central du Canada imposera ses solutions : par exemple, créer en aval une extraordinaire plateforme maritime intermodale ou rediriger des opérations sur Halifax, comme il en a pris l’initiative pour la construction navale avec le récent contrat de bateaux (35 milliards $), contrat donné aux Maritimes et à la Colombie-Britannique au détriment des chantiers maritimes de la région de Québec.