Ouvrage:Un pays en tête/Aménager le territoire du Québec

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« Au moment où le Québec accèdera à la souveraineté au terme de la période de transition déterminée par l'Assemblée nationale, la constitution canadienne cessera de s'appliquer sur son territoire. Son intégrité territoriale sera alors garantie par les principes bien établis du droit international »1

L’indépendance permet à un peuple d’exercer sa souveraineté sur un certain territoire. Contrairement aux menaces de partition, sans fondement selon les règles internationales, le territoire du Québec pays sera plus étendu que le territoire actuel de la province de Québec. Se posera ensuite la question de son peuplement, de son aménagement et de son développement. Ce sont là des questions où l’indépendance nous donnera les responsabilités et les moyens qui nous échappent actuellement en matière notamment de développement des ressources naturelles, d’environnement et d’infrastructures de transport.

Le territoire du Québec, pays

Figure 1 - Évolution du territoire du Québec

Avant la conquête de 1763, le territoire de la Nouvelle-France s’étendait jusqu’en Louisiane et jusque dans l’ouest du Canada et des États-Unis actuels, ainsi que dans les Maritimes. Après la conquête, ce territoire fut redécoupé par le gouvernement britannique en 1791 pour créer, entre autres, le Bas-Canada, ancêtre de la province de Québec. Par la suite, la Loi constitutionnelle de 1871 a prévu une procédure à suivre pour la modification du territoire d’une province canadienne qui requiert l’accord des provinces concernées et du gouvernement canadien. L’application de cette procédure en 1898 et 1912, approuvée par les gouvernements québécois et canadiens, a donné à la province de Québec son territoire actuel, tel qu’indiqué sur la figure 12. Cette procédure, reconfirmée dans la Constitution du Canada en 1982, garantit l’intégrité du territoire terrestre du Québec tant que celui-ci demeurera une province canadienne, puisque les frontières ne peuvent être modifiées sans son consentement.

Certaines personnes soutiennent qu’advenant l’indépendance, le territoire ajouté à la province de Québec après 1867 devrait en être retranché. En réalité, ce point de vue partitionniste n’a aucun fondement car, comme nous le verrons plus loin (voir chapitre 3), « le droit international garantit la stabilité des frontières des États fédérés qui accèdent à l’indépendance. La date de référence aux yeux du droit international est le jour de l’indépendance, et non le jour où tel ou tel territoire fut rattaché au Québec. La règle de droit de l’uti possidetis garantit l’intégrité du territoire terrestre du Québec à partir de l’indépendance, tout comme la Constitution canadienne la garantit avant, et il n’existe aucun intervalle entre l’application de ces deux ordres juridiques »3.

Figure 2 - Frontières du Québec, pays3

Sur un autre plan, il est clair qu’en droit canadien, le territoire maritime des provinces s’arrête, en principe, au rivage, ce qui est une absurdité qui fait dire à certains qu’à marée haute, nous perdons une partie du territoire du Québec. Cela rend aussi impossible l’adoption d’une stratégie maritime pour le Québec sans l’accord du gouvernement fédéral et d’autres provinces.

Selon un avis juridique commandé en 1992 par la Commission Bélanger-Campeau, les experts internationaux consultés ont conclu que le territoire maritime du Québec souverain serait considérablement plus étendu que celui de la province de Québec, incluant en principe une mer territoriale de 12 milles marins et à une zone économique exclusive de 188 milles additionnels, pour un total de 200 milles dans le golfe Saint-Laurent, la baie James, la baie d’Hudson et le détroit d’Hudson au nord du Nunavik4. C’est ce qu’indique les pointillés dans la figure 2 en prenant l’hypothèse de lignes équidistantes tracées entre le Québec les provinces canadiennes limitrophes5. Ce gain maritime du Québec indépendant sera extrêmement important suite au réchauffement climatique qui ouvrira la navigation à l’année longue dans les régions arctiques de l’Amérique du Nord.

De plus, comme le soulignent les professeurs Henri Dorion et Jean-Paul Lacasse, non seulement le territoire du Québec est-il actuellement limité par ses frontières maritimes, mais il l’est également par le contrôle qu’exerce le gouvernement canadien sur de vastes portions internes au territoire du Québec, notamment sur les ports, les aéroports, les gares, les parcs nationaux et les « et les terres réservées aux Indiens ».

Figure 3 – Les 11 nations autochtones du Québec

En ce qui concerne ces « réserves » créées par loi des Indiens adoptée en 1876 par le gouvernement canadien sans le consentement des premiers intéressés, soulignons que les territoires ancestraux des premières nations ont tout simplement été occupés sans tenir compte de leurs droits. Des relations de nation à nation auraient dû présider à des traités librement consentis. L’indépendance du Québec permettra de remédier à ce grave préjudice par des ententes négociées avec les peuples concernés. Comme le déclarait récemment le député Romeo Saganash, membre de la nation Cri et député au parlement canadien: « Il n’y a jamais eu de pays constitué avec la participation des Autochtones. La souveraineté du Québec pourrait en être l’occasion !»6

Peuplement et développement du territoire

L’indépendance est indispensable au développement équilibré de l’ensemble du territoire du Québec. Pour pleinement développer un territoire, il faut d’abord le peupler : Favoriser le maintien de la population des régions et mieux distribuer le peuplement sur le territoire. En récupérant l’ensemble de son territoire terrestre et en agrandissant son territoire maritime, le Québec pourra mieux répartir les responsabilités d’aménagement et de développement entre l’État du Québec, les gouvernements régionaux et les communautés autochtones réparties sur le territoire du Québec (voir figure 3).

Par ailleurs, le Québec pourra établir sa propre politique et ses mesures fiscales axées sur le développement des richesses naturelles et leur transformation dans les régions du Québec.

La maîtrise de sa politique énergétique lui permettra de s’affranchir des énergies fossiles et d’obtenir un meilleur contrôle des impacts environnementaux en favorisant le développement des énergies renouvelables. La mise en œuvre de réseaux locaux de petites entreprises de production, de transformation et de distribution des produits et services favorisera le maintien d’emploi dans les régions, l’établissement de la population immigrante en région et un peuplement mieux équilibré du territoire.

Dans ce même esprit d’occupation du territoire et cette volonté d’en assurer la vitalité, l’État québécois aura les moyens d’augmenter les budgets dans les régions et dans les municipalités pour développer les services culturels offerts à leur population, et l’appui financier aux créatrices et aux créateurs culturels.

Aménagement du territoire par les transports.

Par son contrôle des transports ferroviaires, maritimes et aériens, le gouvernement canadien détermine actuellement les lignes de force de l’aménagement du territoire et du développement du Québec. Il développe prioritairement les moyens de transport dans l’axe Est-Ouest, alors que l’intérêt du Québec devrait plutôt mener à favoriser le transport Nord-Sud, à l’intérieur de ses frontières d’abord, vers la Nouvelle-Angleterre et le Midwest américain ensuite.

L’indépendance mettra fin également aux droits constitutionnels du gouvernement canadien de décider unilatéralement du transport du pétrole par oléoducs, par bateaux ou par trains sur le territoire du Québec, avec souvent une énorme dose d’irresponsabilité comme on l’a bien vu dans le cas de la catastrophe de Lac-Mégantic ou dans l’appui au projet Énergie est.

La règlementation du transport ferroviaire, maritime et aérien, ainsi que la construction et la gestion des gares, ports et aéroports, de même que celle de certains ponts routiers, échappant totalement au Québec, sera dorénavant de sa responsabilité. En ce qui concerne le transport maritime et fluvial, le Québec en tant que pays aura juridiction sur la navigation sur le Saint-Laurent et sur les ports dont certains tombent en ruine par simple négligence de l’État fédéral. En ce qui concerne le transport aérien, le Québec pourra le réorienter en fonction des besoins du Québec, plutôt que de laisser Ottawa déplacer systématiquement le trafic international de Montréal vers Toronto, ou implanter des aéroports au beau milieu des meilleures terres agricoles du Québec, comme celui de Mirabel, maintenant abandonné.

La compétence exclusive en matière de transport qu’acquerra le Québec lui permettra de développer un réseau ferroviaire, maritime et aérien axé sur le transport des personnes, favorisera le maintien des travailleuses et travailleurs ainsi que des étudiantes et étudiants dans leur région. Ce réseau transportera aussi des matières premières, surtout transformées, en région, permettant de soutenir l’économie des régions en favorisant la diversification économique de ces dernières.


PROJET 1

Prendre en main et aménager le territoire du Québec

La récupération, le peuplement et l’aménagement du territoire du Québec consiste à penser le pays du Québec comme un territoire rapatrié, rapaillé comme dirait Gaston Miron à propos des gens qui l’habite. C’est aussi un territoire énorme, le 17e plus grand en superficie parmi les 193 États représentés à l’ONU, un territoire sous-peuplé, mais riche de la diversité et de l’inventivité de ses habitants, riche aussi de ses ressources naturelles.

Ce premier grand projet consiste à développer ce territoire étendu du Québec avec la participation des populations concernées : premières nations, Québécois de souche ou issus de l’immigration. Il comporte trois dimensions complémentaires, chacune comportant un certain nombre de mesures visant le peuplement, le développement et l’aménagement des infrastructures de transport sur le territoire.

Extension du territoire du Québec

  1. La récupération de l’ensemble du territoire : parcs fédéraux, réserves fauniques, bases militaires, ports, aéroports gérés par l’État canadien dans les frontières actuelles de la province de Québec.
  2. L’extension considérable du territoire maritime du Québec par l’application des règles internationales, soit une mer territoriale de 12 milles marins et une zone économique exclusive de 188 milles, pour un total de 200 milles des côtes, notamment dans le golfe St-Laurent, la baie James, la baie d’Hudson et le détroit d’Hudson au nord du Nunavik.
  3. Le respect de l’autodétermination des onze nations autochtones du Québec par de nouvelles ententes établies de nation à nation entre le Québec indépendant et les premières nations, laquelle remplacera le régime de réserves établi sur le territoire du Québec, unilatéralement par le Canada, sans l’accord des nations concernées.

Développement du territoire du Québec

  1. La création d’une politique de peuplement du territoire et la répartition des responsabilités d’aménagement et de développement du territoire entre l’État du Québec, les gouvernements régionaux à créer, et les nations autochtones.
  2. La mise en place d’un ensemble coordonné de moyens pour le peuplement des régions en offrant à la population actuelle, aux jeunes en particulier, un environnement culturel riche et des champs nouveaux d’emploi pour contrer l’exode vers les grands centres tout en orientant dans les régions l’immigration de nouveaux citoyens et de nouvelles citoyennes.
  3. L’établissement d’une politique et de mesures fiscales et financières permettant d’assurer le développement et la transformation au Québec des richesses naturelles, mines, forêts, pêcheries, en tenant compte de la protection de l’environnement et de la nécessité de faire profiter les acteurs locaux des fruits du développement.
  4. La protection du territoire agricole et la transformation au Québec des produits agricoles visant un pourcentage accru de souveraineté alimentaire au Québec, par une aide soutenue à l’exportation de produits agricoles phares et la mise en place de réseaux locaux de producteurs, transformateurs, et consommateurs.
  5. Un appui aux projets d’énergies renouvelables et le blocage des projets dommageables pour l’eau et l’environnement, tels le développement des énergies fossiles dans la vallée du St-Laurent ou le projet Énergie Est.
  6. Un vaste programme d’infrastructures d’assainissement des eaux et la récupération d’une expertise de l’État québécois en gestion de l’eau par la création de la Société québécoise des eaux (SQE), chargée de soutenir les municipalités sur l’ensemble des méthodes de traitement de l’eau.

Aménagement des transports sur le territoire du Québec

  1. Le développement d’un réseau ferroviaire pour le transport des personnes entre les principales villes de tout le territoire à l'aide d'un système de trains rapides, minimisant le temps des allers-retours vers une ville-centre, pour le maintien des travailleurs et des étudiants dans leur région.
  2. Le soutien de nos entreprises québécoises de développement de matériel de transport en accordant des investissements publics accélérés dans d’utilisation des véhicules électriques (trains, monorail à moteur-roue, etc.) pour le transport collectif des personnes et celui des marchandises.
  3. La prise en charge de la gestion du transport sur la voie maritime du Saint-Laurent en territoire québécois comme instrument clef de développement de l'économie québécoise, notamment par l’établissement de droits de péages sur la voie maritime et la remise en état des ports sur le St-Laurent abandonnés par l’État fédéral.
  4. La relance de la construction de bateaux et de traversiers dans nos chantiers maritimes abandonnés ou sous-utilisés par l’État fédéral.
  5. Le développement de l’aéroport international de Montréal et de l’aéroport de la Capitale nationale comme plaques tournantes du trafic international, en augmentant le nombre de lignes internationales desservant le Québec.
  6. L’extension du nombre de liaisons aériennes entre les principales villes du Québec en soutenant la naissance ou l’essor de transporteurs locaux.
  7. Le désenclavement de certaines régions du Québec, notamment par l’extension de la route vers Blanc Sablon et des liaisons maritimes régulières entre le Québec et les Iles de la Madeleine.

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1 Gouvernement du Québec – SAIG, Le Québec et son territoire, 1997, p. 3. https://www.saic.gouv.qc.ca/documents/positions-historiques/territoire-f.pdf

2 Claude Routhier, « Les différentes frontières du Québec », in Chronologie de l’histoire du Québec, 1998-2003.

3 André Binette, « Le territoire du Québec souverain », in L’indépendance maintenant, (collectif des IPSO), 2012, Éditions Michel Brulé, p. 110.

4 André Binette, op. cit., p. 123.

5 Henri Dorion et Jean-Paul Lacasse. Le Québec : territoire incertain, Septentrion, 2011, p. 35.

6 Emmanuelle Walter, Le Centre du monde. Une virée en Eeyou Istchee Baie James avec Romeo Saganash, Éditions Lux, 2016, p.77.