Ouvrage:Un pays en tête/Consolider le budget public, l’éducation et la santé

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« Un Québec indépendant ferait meilleure figure que la majorité des économies avancées et que la moyenne des États du G7 [selon le solde budgétaire]. Il serait possible de maintenir les services existants suite à l’indépendance, et ce malgré la perte des transferts fédéraux au gouvernement québécois, contredisant du coup le mythe voulant que le Québec soit dépendant aux versements de péréquation et qu’il ne saurait être viable économiquement sans le Canada. » – Maxime Duchesne1

Dans le régime canadien, Ottawa a trop de revenus par rapport à ses responsabilités prévues par la constitution alors que le Québec a une marge de manœuvre réduite compte tenu des coûts croissants en santé, en éducation et dans l’aide sociale, alors que le Québec doit au contraire faire face au coût croissant de ses dépenses en éducation et en santé.

Déséquilibre fiscal

Figure 10 - Répartition des dépenses du budget fédéral 2016

C’est ce qu’on appelle le « déséquilibre fiscal », un problème structurel que le régime fédéral est incapable de corriger malgré tous les palabres sur le sujet depuis toujours. En 2016-2017, près du tiers des dépenses d’Ottawa étaient constitués de transferts aux provinces, ce qui donne la mesure du déséquilibre fiscal entre les deux ordres de gouvernement (voir figure 10). Avec ses surplus lui donnant un « pouvoir » de dépenser, Ottawa peut investir directement dans les champs de compétence des provinces, et du Québec, comme la santé, les services sociaux ou l’éducation. Il peut aussi décider unilatéralement du niveau des fonds transférés et poser des conditions à leur utilisation. C’est ce qu’on vient de voir à nouveau pour le transfert en santé dans le budget 2016-2017, dont la réduction a été imposée unilatéralement aux provinces.

Ottawa peut aussi utiliser les taxes et impôts qu’il recueille des Québécoises et des Québécois dans tous les domaines de son choix sans tenir compte des priorités du Québec ou en dédoublant les programmes de l’État du Québec. C’est ce qui fait dire à plusieurs constitutionnalistes que le Canada n’est pas une véritable fédération, encore moins une « confédération ».

Le déséquilibre fiscal n’est pas une simple bataille entre deux ordres de gouvernements qui se disputent des pouvoirs. Il est l’expression concrète, chiffrée, évidente, de la dépendance financière de notre nation et de son incapacité structurelle à coordonner ses politiques à cause de la partie de ses budgets qui lui échappent. La croissance des revenus du gouvernement du Québec ne permet pas de couvrir la croissance minimale des coûts des services offerts à la population par les ministères et les réseaux. Le gouvernement du Québec n’a aucune marge de manœuvre pour effectuer, entre autres, le rattrapage nécessaire en matière de santé et d’éducation, lorsque qu’Ottawa coupe dans les transferts.

Péréquation et dépenses fédérales

La péréquation fait partie des paiements de transfert du gouvernement d’Ottawa aux provinces canadiennes pour tenter de réduire les écarts de capacité fiscale entre les provinces, causés principalement par les richesses naturelles dans certaines provinces de l’Ouest et Terre-Neuve, notamment le pétrole. Cependant, Ottawa n’y consacre que 1% de son PIB alors qu’il est de 2 % en Allemagne, 2,6 % en Suède et 4 % au Japon.

Figure 11 - Péréquation en 2016-2017

Figure 11 - Péréquation en 2016-17

Le mythe de la dépendance du Québec à l’égard des transferts d’Ottawa est contredit par les chiffres. Si on ne regarde que le transfert de péréquation (tableau ci-contre), le Québec est la province qui en reçoit le moins par habitant (sauf l’Ontario), mais aussi le plus en chiffres absolus, à cause de la taille de sa population.

Toutes les provinces canadiennes, y compris le Québec, contribuent à la péréquation au moyen de taxes et impôts perçus par Ottawa auprès de leurs citoyens et citoyennes. Ainsi, sur les quelque 50 milliards $ d’impôt perçus au Québec par Ottawa, environ 3,4 milliard $ servent à financer la péréquation, réduisant ainsi le transfert net au Québec à 6,6 milliards $. De plus, en enlevant les coûts des chevauchements administratifs Ottawa-Québec, on épargnerait ainsi annuellement environ 4,1 milliards $, réduisant ainsi « l’avantage » de la péréquation autour de 2,5 milliards $.

Il faut toutefois regarder la situation d’ensemble. Une analyse minutieuse des dépenses de programme et autres paiements de transfert d’Ottawa au Québec montre que nous ne recevons que 17,9 % des transferts d’Ottawa2, bien en deçà de notre poids démographique (23,1 %) et même de notre pourcentage de contribution au budget d’Ottawa (19,3 %). Considérant cela, « l’avantage » se réduit à zéro. Ce faisant, Ottawa nous prive d’un niveau adéquat d’investissements créateurs d’emplois, de sorte que l’avantage de la péréquation apparaît clairement comme une illusion, un mythe visant à garder le Québec à sa place.

Toutes les études récentes sur les transferts entre Québec et Ottawa3 démontrent qu’un Québec indépendant n’ayant plus accès aux transferts d’Ottawa pourra maintenir tous les services existants au Québec, et sans doute mieux les organiser à l’avantage de ses citoyens.

Soutien à l’éducation et à la santé

L’urgence, pour le Québec comme pour les autres sociétés, d’investir massivement dans l’éducation n’a plus à être démontrée. Elle est une condition essentielle au développement de l’économie et de l’emploi, et une arme contre la pauvreté et la précarité. Par ailleurs, le Québec doit relever le défi démographique du vieillissement de la population, qui est l’un des facteurs de la croissance rapide des coûts de la santé, lesquelles prennent une part de plus en plus grande des dépenses de l’État québécois. Sur ces deux questions, qui sont officiellement de responsabilité provinciale au Canada, le Québec est mal équipé, étranglé financièrement par le déséquilibre fiscal et les décisions unilatérales du gouvernement canadien.

Les décisions unilatérales de réduction des transferts fédéraux sont le principal facteur de déstabilisation des finances publiques au Québec, depuis le milieu des années 90, dans l’exercice de ses responsabilités. En santé, le nouveau gouvernement Trudeau maintient à peu de choses près la décision du gouvernement Harper de plafonner l’augmentation des dépenses de transferts en santé à 3 %, alors qu’historiquement, les coûts augmentent de 6 % par année. En éducation post-secondaire, le manque à gagner des universités s’accroît depuis les coupes des années 98-99 dans les transferts fédéraux, créant une pression pour l’augmentation des frais de scolarité par les administrations universitaires, laquelle a mené notamment aux manifestations du printemps 2012 contre l’augmentation draconienne des droits de scolarité. Sur un autre plan, les restrictions de l’accès à l’assurance-emploi décrétées par Ottawa ont frappé plus durement le Québec qu’ailleurs et ont un impact direct sur la hausse à Québec du budget de l’aide sociale.


PROJET 6

CONSOLIDER LE BUDGET PUBLIC, LA SANTÉ ET L’ÉDUCATION

Sur le plan budgétaire, l’indépendance nous permettra de regrouper nos deux moitiés de budget, et de mettre fin à notre dépendance fiscale, et par conséquent politique. En récupérant la totalité des quelque 50 milliards des taxes et impôts qu’il envoie à Ottawa, le Québec pourra mettre fin définitivement au déséquilibre fiscal et assumer toutes les dépenses d’Ottawa au Québec, tout en restructurant les dépenses publiques d’une façon cohérente, en fonction de la structure de son économie, de sa culture et de ses valeurs de solidarité sociale.

Le projet de réorganisation budgétaire comprend des mesures sur quatre plans : consolider le budget public de l’État québécois, réorienter l’utilisation des fonds publics au Québec, réinvestir dans l’éducation nationale, réinvestir en santé et dans les sports.

Consolider le budget public de l’État québécois

  1. Mettre fin au déséquilibre fiscal et au pouvoir de dépenser d’Ottawa au Québec, en récupérant toutes les taxes et les impôts du Québec à Ottawa et en les intégrant à un budget consolidé de la République du Québec de près de 120 milliards $.
  2. Assumer dans ce budget du Québec toutes les dépenses actuelles de transfert d’Ottawa au Québec, notamment les pensions de vieillesse, l’assurance chômage, et les autres transferts aux personnes, dans la perspective de leur intégration partielle ou totale au revenu de base universel (RBU, voir section 2.5).
  3. Limiter l’importance du service de la dette du Québec indépendant par rapport à la dette consolidée des deux niveaux de gouvernement, en établissant, lors des discussions sur le partage des actifs et des passifs, notre part de la dette fédérale à un niveau tenant compte de l’historique des relations fiscales entre le Québec et le Canada, compte tenu que les actifs canadiens au Québec ne représentent que 14,3 % du total canadien.

Réorienter l’utilisation des fonds publics au Québec

  1. Dégager une marge de manœuvre de plusieurs milliards de dollars dans le budget public du Québec indépendant par la réduction des dépenses militaires pour les ramener au niveau d’une force légère dédiée à la protection civile et aux missions de paix internationales.
  2. Augmenter la marge de manœuvre de l’État par l’élimination de la part actuelle du Québec dans les subventions à l’extraction des hydrocarbures au Canada, ainsi que par l’élimination des chevauchements entre les programmes et les ministères des deux paliers de gouvernement.
  3. Augmenter la marge de manœuvre dans le budget public par l’augmentation de certains revenus : réintroduction de la taxe sur le capital pour les institutions financières (gérées actuellement par Ottawa), d’un impôt sur le capital en dormance des entreprises, d’un impôt minimum pour les très hauts revenus, par la création de nouveaux paliers d’imposition et par une lutte sans merci à l’évasion fiscale.
  4. Réorganiser le budget consolidé de l’État indépendant du Québec pour favoriser la réalisation de vastes projets faisant consensus dans la population, priorisés en fonction de nos valeurs et de nos besoins (voir les autres projets).

Réinvestir dans l’éducation nationale

  1. Établir la gratuité scolaire dans l’enseignement supérieur et assurer un revenu de base adéquat aux étudiantes et aux étudiants, tout en rétablissant les budgets réguliers des universités pour contrer les coupures effectuées depuis 98-99 par Ottawa.
  2. Investir dans un programme ambitieux pour contrer le décrochage scolaire dans l’enseignement primaire et secondaire.
  3. Entreprendre un vaste projet d’investissement dans les bâtiments, les technologies d’information et les bibliothèques scolaires, et fournir gratuitement un matériel scolaire et des ressources informationnelles de qualité aux familles défavorisées.
  4. Compléter le réseau des CPE, en utilisant notamment l’allocation récupérée d’Ottawa pour la garde d’enfants, pour atteindre l’objectif d’une place pour chaque enfant tout en rétablissant un tarif universel.

Réinvestir dans la santé et le sport

  1. Augmenter le budget public en santé en fonction des besoins et du vieillissement de la population plutôt que selon la croissance du PIB, comme le prévoit Ottawa dans ses transferts.
  2. Améliorer l’efficacité de notre système de santé en donnant accès à un médecin de famille à tous, en réduisant le temps d’attente aux urgences, en soutenant le maintien à domicile des aînés et en investissant dans les équipements et les processus de santé innovateurs.
  3. Assurer la pérennité des CLSC sur l’ensemble de notre territoire avec un financement indépendant et stable dans le temps ; ouvrir les CLSC sept jours sur sept et 24 heures sur 24 et y intégrer des cliniques d’infirmières.
  4. Regrouper les régimes privés d’assurance-médicaments avec le régime public afin de créer un seul régime universel, générant des économies estimées à environ trois milliards $ ; accélérer l’autorisation des médicaments génériques et mettre en place des revues de médication afin, entre autres, d’éliminer les médicaments superflus, de diminuer les interactions médicamenteuses et de vérifier la bonne utilisation des médicaments.
  5. Adopter une politique nationale du sport et de l’activité physique, particulièrement chez les jeunes, pour encourager la prévention en santé par de saines habitudes de vie tant pour l’alimentation que pour l’activité physique.
  6. Mettre en place une Équipe Québec en vue des jeux olympiques et financer l’inscription du Québec dans toutes les compétitions sportives mondiales où le Québec excelle, en utilisant la part que le Québec envoie au Canada pour soutenir les athlètes québécois.

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1 Maxime Duchesne, Finances d’un Québec indépendant, L’Action nationale, 2016, p. 82.

2 Maxime Duchesne, Finances d’un Québec indépendant, L’Action nationale, 2016.

3 Maxime Duchesne, Finances d’un Québec indépendant, L’Action nationale, 2016 ; Stéphane Gobeil, Un gouvernement de trop, VLB éditeur, 2012; François Legault, Les finances d’un Québec souverain, 2005.