Ouvrage:Un pays en tête/Faire du Québec un État français intégrant sa diversité

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« L’avènement d’un Québec où chacun se sentira chez lui, où personne ne sera étranger à l’autre, n’arrivera pas en niant les quêtes identitaires particulières ni en faisant de tous les habitants du Québec des immigrants, qu’ils aient débarqué à Dorval avant-hier ou à l’île d’Orléans il y a 400 ans. Et surtout pas en gommant, par honte ou par mépris, tout ce qui fait le cœur de l’identité québécoise, à commencer par son liant le plus naturel : la langue française. » – Akos Verboczy1

La répression linguistique réalisée au Canada à l’égard des francophones, depuis 1867 particulièrement, a conduit à la minorisation et à l’assimilation des francophones qui se poursuit presque partout en dehors du Québec tout comme dans certaines régions du Québec. C’est un fait qu’il faut malheureusement reconnaître et qui explique la volonté des Québécois de faire du Québec un pays, le seul endroit où ils peuvent être maîtres chez eux.

L’élimination du français au Canada

Les chiffres du dernier recensement de 2016 confirment le déclin inexorable du français au Canada2. Lorsqu’on compare ces données à ceux des recensements précédents de 2011 et de 2006, il y a régression draconienne du nombre de parlant français dans toutes les provinces canadiennes.

La comparaison entre la langue maternelle et la langue le plus souvent parlée à la maison est encore plus alarmante. En 2016, elle passe de 3,7 % à 2,1 % de la population de l’Ontario, de 31,2 % à 27,9 % au Nouveau-Brunswick. Dans toutes les autres provinces hors Québec, la différence entre ces deux pourcentages, mesure de l’assimilation des francophones, est encore plus dramatique. Par exemple, au Manitoba, on passe de 3,2 % de la population de langue maternelle française à 1,3 % des personnes dont la première langue parlée à la maison est le français. Dans les autres provinces de l’Ouest, ce dernier pourcentage s’approche de zéro, soit 0,7% en Alberta et 0,4% en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.

Même au Québec, le français se retrouve sous la barre des 80 %, non seulement en tant que langue maternelle (77,4 % en 2016, 81,4 % en 2001) mais aussi en tant que langue parlée à la maison (79,9 % en 2016, 83,1 % en 2001). Par contre, l’anglais est en augmentation (10,5 % en 2001 à 11,5 % en 2011 dans l’usage à la maison, et de 8,3 % à 8,8 % comme langue maternelle.

Lorsqu’on regarde ces données et l’historique des lois anti-francophones depuis 1867, on comprend que le Canada s’est construit sur une volonté d’assimiler la gênante minorité francophone du pays, non seulement au moyen de l’immigration massive, mais par des lois favorisant leur assimilation. Le français a été interdit dans l’éducation et comme langue officielle systématiquement, dans toutes les provinces canadiennes sauf au Québec et au Nouveau-Brunswick. Aucune université et aucun hôpital de langue française n’existe à l’ouest du Québec (Ottawa et Sudbury sont des université bilingues).

On peut bien aujourd’hui essayer de faire croire au caractère bilingue du Canada, alors que la réalité est toute autre. C’est ce que constatait déjà en 1905 le premier ministre Sir Wilfrid Laurier, impuissant devant son cabinet majoritairement anglophone, lors de la création de la Saskatchewan et de l’Alberta comme provinces unilingues anglaises : « Chaque fois que je retourne dans ma province (le Québec), je regrette d’y constater qu’un sentiment y existe que le Canada n’est pas fait pour tous les Canadiens. Nous sommes forcés d’arriver à la conclusion que le Québec seul est notre patrie, parce que nous n’avons pas la liberté ailleurs. »3 Le Canada ne sera jamais un État binational comme le souhaitaient les Canadiens-français. Seul le Québec peut devenir un pays et soutenir du mieux qu’il pourra les minorités francophones ailleurs au Canada.

L’invalidation de la loi 101 par l’État canadien

Le Québec s’est doté en 1977 de la Charte de la langue française (la loi 101) après un vaste débat démocratique commencé en 1960, qui visait à établir le français comme langue officielle et commune du Québec. Ce régime linguistique, malgré les réticences initiales, a fini par être accepté par la très vaste majorité des citoyens du Québec de toutes origines. Or cette « longue marche » de la démocratie québécoise pour consolider sa langue nationale a été invalidée à plusieurs reprises par les jugements de la Cour suprême du Canada, lesquels ont obligé notre Assemblée nationale à modifier quelque 200 articles de la Charte du français.

La Cour suprême du Canada, formée de juges nommés par l’État canadien, a pu agir ainsi en vertu de la loi constitutionnelle de 1982, imposée unilatéralement au Québec par l’État canadien. Cette situation où le régime canadien, via sa Cour suprême, invalide unilatéralement des lois du Québec, surtout aussi fondamentales que la loi 101, doit prendre fin. Elle ancre l’idée que les lois de l’Assemblée nationale du Québec, même approuvées unanimement par tous les partis politiques, ne sont pas importantes puisqu’elles peuvent être invalidées en tout temps par l’État canadien.

Pendant ce temps, l’anglicisation se poursuit sur l’île de Montréal. Elle a tendance à s’étendre dans les régions voisines, effritant ainsi notre cohésion sociale, minant nos possibilités d’émancipation nationale. Y contribuent plusieurs facteurs qui s’ajoutent au désaveu de la loi 101 par la « légalité » canadienne. Le financement des collèges, des universités et des hôpitaux anglophones bien au-delà du poids démographique des anglophones favorise l’anglicisation des Québécois, particulièrement à Montréal. Le français au travail subit également des reculs importants. L’affichage bilingue et les communications avec les citoyens utilisant l’anglais par les deux paliers de gouvernement envoient un message clair aux nouveaux Québécois : Il y a deux langues entre lesquelles on peut choisir librement. La disproportion de l’offre des médias en langue anglaise y contribue également.

Dans un tel contexte, qui perdure depuis des décennies, comment se surprendre de la progression de l’anglais et des difficultés d’intégration des allophones déchirés entre deux langues et l’appartenance à deux nations. Cette situation unique d’une nation, majoritaire au Québec mais minoritaire au Canada, explique aussi la réaction de nombreux Québécois de souche qui considèrent leur identité nationale menacée.

Le communautarisme, conséquence de l’intégration du multiculturalisme dans la Constitution canadienne depuis 1982, ainsi que les politiques de l’État canadien qui l’encourage, engendrent des divisions entre la majorité francophone et les communautés culturelles, divisions qu’il faut résoudre dans le respect des personnes et de leur culture d’origine.

Une citoyenneté québécoise

La raison fondamentale, qui justifie le projet de pays du Québec, est notre héritage culturel et notre langue française. Mais il est aussi nécessaire que cet héritage s’enrichisse des apports des personnes d’autres origines. Il y a urgence de maintenir la pérennité de notre nation, tout en créant une citoyenneté québécoise ouverte et accueillante pour tous. Pour consolider la solidarité entre Québécois de toutes origines, il est indispensable que nous ayons le plein contrôle de nos politiques culturelles nationales, de nos outils de support à la culture, notamment la réglementation de la radio, de la télévision et des télécommunications, ainsi qu’une capacité accrue de réinvestir dans l’éducation nationale.

Dans le régime actuel, selon la Constitution canadienne, et l’article 5 de la loi fédérale quant à l’attribution de la citoyenneté, le Canada pose sept conditions à l’acquisition de la citoyenneté canadienne, notamment avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans, avoir une connaissance suffisante de l’une des deux langues officielles du Canada (l’anglais ou le français), avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté et prêter le serment de citoyenneté. Au Canada, le serment de la citoyenneté (ou serment d'allégeance) est le serment où les nouveaux citoyens canadiens jurent fidélité au souverain, la reine Elizabeth II, et également aux lois et aux coutumes de leur nouveau pays. Autrement dit, dès le départ, les jeux sont faits. Les nouveaux immigrants se définissent comme « Canadiens » bien avant d’être Québécois. Ils ont le choix entre l’anglais, langue majoritaire du continent, et le français.

Prenons conscience qu’une citoyenneté québécoise ne peut vraiment exister dans le régime constitutionnel canadien. Un Québec indépendant pourra accorder la citoyenneté québécoise, et donc le droit de vote et de la pleine participation à la société, uniquement aux personnes qui sont résidentes permanentes au Québec depuis au moins trois ans, ont une connaissance suffisante du français, ont une connaissance suffisante du Québec, de ses institutions et de ses lois, et qui prêtent un serment d’allégeance au peuple québécois. Ces dispositions contribueront à l’intégration des nouveaux arrivants à leur nouvelle société, faisant d’eux et d’elles des citoyennes et des citoyens à part entière.

Le français au Québec, un avantage pour tous

Au Québec, le simple fait que le Mouvement Montréal Français ait dû être créé pour maintenir le fait français, 30 ans après l’adoption de la Charte de la langue française, nous démontre encore une fois la fragilité de nos acquis sur le plan linguistique dans le contexte canadien. L’ancien président de ce mouvement, Mario Beaulieu, rappelait l’objectif que se fixe toujours ce mouvement : « Que les Anglo-québécois parlent anglais entre eux ; que les Sino-québécois, le mandarin ; les Maghrebo-québécois, l’arabe, etc., rien de plus normal. Cependant, lorsque des personnes de langues diverses se croisent au Québec, le français devrait être la langue normale et habituelle de leurs échanges. Faire du français la langue commune et officielle du Québec est essentiel à la cohésion sociale, à l’inclusion et à la pleine participation de toutes et de tous à la même sphère de droits et de devoirs. Il faut connaître et utiliser une même langue pour se comprendre et pour former une société unie et solidaire. C’est dans cet esprit pluraliste et inclusif que la Charte de la langue française a été adoptée. »4

C’est avant tout à Montréal, dans la métropole du Québec, qu’il faut faire du français la langue publique commune, La région métropolitaine comprend près de la moitié de la population du Québec. Elle englobe près de 80 % de la population d’expression anglaise et accueille plus de 85 % des nouveaux arrivants qui s’établissent au Québec. Le sort du français se joue donc à Montréal. Or, sur l’île de Montréal, les résultats des études sur la langue d’usage publique et sur la langue de travail montrent dans les faits un recul depuis une vingtaine d’années.

Dans un Québec indépendant, la capacité de parler français sera pour tous un avantage pour travailler, s’éduquer, se divertir et participer à la vie de la nation sur tous les plans. L’indépendance du Québec, consolidera définitivement la langue française comme facteur d’intégration et de promotion pour tous, y compris pour les nouveaux arrivants dont notre société aura grandement besoin pour contrer le déclin démographique.

Le contrôle complet de notre immigration et la présence d’ambassades et de bureaux du Québec, notamment dans les pays de la francophonie, nous assurera que les nouveaux immigrants acceptent en pleine connaissance de cause de s’intégrer dans un pays de langue française, tout en participant rayonnement de la culture québécoise à l’étranger par les liens qu’ils voudront maintenir avec leur pays d’origine.


PROJET 7

UN QUÉBEC FRANÇAIS, INTÉGRANT SA DIVERSITÉ

Le partage d’une langue, d’une citoyenneté et de certaines valeurs communes est la meilleure garantie que le dynamisme de toutes les personnes, quelle que soit leur origine ethnoculturelle, agisse pleinement en vue du bien commun de la nation. Le projet d’un Québec français intégrant toute sa diversité comprend quatre séries de mesures : faire du français la langue officielle de l’État québécois, faire du français la langue commune de travail, assurer un juste équilibre entre les services publics d’éducation et de santé en français et en langue minoritaire, faire de Montréal une métropole de langue française.

Constitutionnaliser le français comme langue de l’État québécois

  1. Enchâsser la langue française comme langue officielle et commune de la République du Québec, dans la Constitution du Québec indépendant.
  2. Rétablir la Charte du français dans son intégrité, en étendre certaines dispositions et les intégrer dans la Constitution du Québec, dans l’objectif de compléter, en matière de langue, les droits reconnus aux personnes.
  3. Donner concrètement suite à l’esprit pluraliste et inclusif initial de la Charte de la langue française par des mesures visant à ce que toutes les citoyennes et tous les citoyens puissent connaître et utiliser une même langue, la langue française, pour se comprendre et pour former une société solidaire.
  4. Mettre comme condition à l’obtention de la citoyenneté québécoise une connaissance d’usage du français, des lois et des valeurs du Québec, ainsi que la prestations d’un serment d’allégeance au peuple québécois.
  5. Établir à Montréal et dans toutes les régions des Centres de formation des personnes immigrantes à la citoyenneté, à la langue et à la culture du Québec.
  6. Rétablir le français comme langue de la justice et de l’administration publique, en spécifiant que seul le texte français des lois et des règlements prévaut et que la justice doit être rendue en français, tout en assurant que les communications de l’État québécois avec les citoyens se fassent dans la langue officielle.

Faire du français la langue commune du travail

  1. Accélérer la francisation au travail en revitalisant les comités de francisation dans les entreprises et en fixant des objectifs ambitieux de francisation avec obligation de résultat.
  2. Étendre les exigences de francisation de la Loi 101 aux entreprises qui relèvent actuellement du Code canadien du travail – 135 000 employés dans 1760 entreprises (banques à charte, Air Canada, etc.) – ainsi qu’aux entreprises de 25 employés et plus.
  3. Faire en sorte que l’Office québécois de la langue française joue un rôle de premier plan dans la production d’outils informatiques facilitant la création et la production en français (édition, traduction, diffusion), tout en soutenant la production de documents, des guides et des manuels techniques dans les services publics et les entreprises.

Assurer un juste équilibre du français et des langues minoritaires

  1. Établir que les institutions publiques (municipalités, santé, éducation) sont laïques et de langue française sur tout le territoire du Québec, en n’autorisant qu’exceptionnellement l’utilisation d’autres langues dans certaines régions et pour certains types de services.
  2. Continuer à soutenir les écoles, les collèges et les universités de langue anglaise en leur accordant un financement correspondant au poids démographique de la minorité anglophone du Québec et en y assurant une connaissance d’usage de la langue française.
  3. Financer les écoles des communautés autochtones pour qu’elles dispensent un enseignement des langues et des cultures des premières nations, tout en y assurant une connaissance d’usage de la langue française.
  4. Assurer que les services sociaux et de santé puissent être donnés partout en langue française et assurer un appui au français comme langue de travail et de prestation de services dans les institutions en langue minoritaire.

Montréal, métropole de langue française

  1. Mettre de nouvelles mesures en place afin d’assurer l’affichage unilingue français à Montréal en refusant le principe de « nette prédominance du français » introduit par les juges.
  2. Préserver la primauté du français à Montréal en facilitant l’apprentissage du français et l’accès au travail pour les nouveaux Québécois par l’offre de cours de français et des passerelles favorisant la reconnaissance de diplômes étrangers.
  3. Prendre les mesures nécessaires pour une meilleure répartition des immigrants dans les différentes régions du Québec.

______________________________________1 Akos Verboczy, Rapsodie québécoise, Boréal, 2016, p. 16.

2 Recensement canadien 2016, tableaux sur la langue. http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/dp-pd/hlt-fst/lang/index-fra.cfm

3 Rosario Bilodeau et autres, Histoire des Canadas, Montréal, Hurtubise HMH, p. 480.

4 Mario Beaulieu, « Les objectifs du Mouvement Montréal français », http://www.montrealfrancais.info/objectifs