Ouvrage:Un pays en tête/Protéger le climat et l’environnement

De WikiQuébec
Aller à la navigation Aller à la recherche

« Plus que tout, dans un Québec indépendant, nous disposerons enfin de tous les outils législatifs et commerciaux pour pouvoir agir sur la scène internationale et parler en notre propre nom. Nous pourrons ainsi promouvoir nos objectifs ambitieux et costauds de réduction des émissions de GES ainsi que des solutions technologiques d’électrification des transports, d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. » – Martine Ouellet1

Pour la première fois dans l’Histoire, tous les citoyens du monde font face à un grave problème, perturbant tous les écosystèmes et toutes les populations : le réchauffement planétaire. Le consensus scientifique est sans équivoque sur la nature de ce phénomène : L’activité humaine est à l’origine du réchauffement climatique et l’utilisation des hydrocarbures en est le vecteur principal. Combattre la détérioration du climat et de l’environnement est urgent, à la fois sur le plan social et sur le plan économique. Le Québec doit se donner les moyens de le faire pour lui et pour le monde, tout en développant une économie nouvelle fondée sur les énergies renouvelables. Pour cela aussi, il doit bientôt être un pays.

Le climat, une priorité sociale et économique

Sur le plan social et économique, de nombreuses voix s’élèvent pour prévenir les pertes humaines, économiques et financières qui risquent d’être énormes, si rien n’est rapidement entrepris pour contrôler la détérioration du climat. Sur le plan social, OXFAM a démontré que le « changement climatique est intrinsèquement lié aux inégalités économiques : c’est une crise induite par les émissions de gaz à effet de serre des nantis qui frappe le plus durement des pauvres »2.

Sur le plan économique, Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre et président du groupe de stabilisation financière du G20, soulignait en octobre 2015 : « Avec le temps, les changements climatiques menaceront les assises de la finance et la prospérité à long terme. Bien qu’il reste du temps pour agir, cette fenêtre est de plus en plus petite et finira par se refermer. »3 Selon lui, l’impact financier prendra au moins trois formes : dommages directs infligés aux infrastructures, aux populations et à l’économie par la recrudescence de catastrophes naturelles ; poursuites contre des entreprises, des gestionnaires de caisses de retraite ou des gouvernements, comme cela est déjà le cas dans l’amiante ou les déversements pétroliers ; coûts liés à l’inévitable transition vers une nouvelle économie plus verte.

À l’approche de la conférence COP21, tenue à Paris en décembre 2015, alors que 150 pays présentaient un programme détaillé d’orientation de leur économie sur une trajectoire plus viable, les directeurs du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale invitaient les gouvernements à assurer la transition vers un avenir plus écologique, demandant à tous les États de taxer le carbone pour décourager l’émission des GES.4

Une mesure utile, mais sans doute insuffisante. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), seulement du cinquième au tiers des réserves mondiales de pétrole pourra être exploité, si l’on veut rester sous la barre fatidique des 2 degrés Celsius de réchauffement du climat. En clair, cela veut dire qu’une bonne partie des énergies fossiles doit rester dans le sol, à commencer par le pétrole extrêmement polluant des sables bitumineux de l’Alberta et de la Saskatchewan où les entreprises pétrolières, appuyées par le gouvernement canadien, veulent doubler la production d’ici quelques années.

On se rappellera que le gouvernement Harper a renié sa signature du Protocole de Kyoto en 2011, seul pays à l’avoir fait. Le nouveau gouvernement Trudeau est tout aussi favorable aux développements pétroliers, même s’il a invité les provinces à taxer le carbone ou à prévoir une bourse de crédits carbone comme l’a fait le Québec. L’État canadien, quel que soit le gouvernement en place, continue de soutenir les développements pétroliers, en favorisant le transport des produits pétroliers par tous les moyens : oléoducs, chemins de fer, navires et camions. 5

Figure 7 - Carte des oléoducs approuvés ou à l'étude au Canada

Le projet Énergie Est de la compagnie TransCanada (figure 7) est jugé nécessaire par l’industrie pétrolière pour exporter le pétrole des sables bitumineux d’Alberta. Même si les pipelines Keystone XL, vers le Golfe du Mexique, ainsi que Trans Mountain vers le Pacifique, viennent d’être autorisés par Donald Trump et Justin Trudeau respectivement, le besoin d’un débouché vers la côte atlantique est toujours là. Car on veut à tout prix doubler la production pétrolière des sables bitumineux d’ici 15 ans pour atteindre 4 millions de barils par jour, croissance qui ne sera possible que si un pipeline comme Énergie Est est construit rapidement. À lui seul, cet énorme oléoduc transporterait l’équivalent de 1570 wagons de pétrole chaque jour, soit 22 convois comme celui qui a explosé à Lac-Mégantic en 2013. Un tel volume serait d’ailleurs tout simplement impossible par train avec les chemins de fer actuels. Une alternative tout aussi néfaste est le projet Chaleur Terminal qui vise à transporter 220 wagons de pétrole par jour par train de l’Alberta à Belledune au Nouveau-Brunswick, sur les voies du CN, à travers tout le Québec. Ces deux projets transformeraient le Québec en autoroute d’exportation du pétrole bitumineux, le plus polluant de la planète. Ces projets pétroliers du passé doivent être bloqués avec la dernière énergie. Les risques de déversement du pétrole dans 860 cours d’eau du Québec et le fleuve St-Laurent sont carrément inacceptables, sans presque aucun bénéfice6 pour le Québec.

Atouts du Québec pour une économie verte

Figure 8 - Bilan énergétique du Québec en 20127.

L’industrie et le Canada ont besoin d’exporter le pétrole de l’Ouest, mais pas le Québec. Comme l’indique le bilan énergétique du Québec (figure 8), Le Québec est riche de ses ressources énergétiques renouvelables, totalisant près de 50 % de son utilisation énergétique. Nous possédons tout ce qu’il faut pour prendre une place importante sur la scène internationale et devenir un des chefs de file de la révolution énergétique mondiale.

Le Québec, grâce à son électricité et à ses énergies renouvelables, peut viser dès maintenant l’après-pétrole, construire son indépendance énergétique par rapport aux énergies fossiles et assurer la protection du climat et de son environnement. L’hydroélectricité avec bassins de rétention et l’hydroélectricité au fil de l’eau sont les meilleures sources d’énergie, avec l’éolien. Elles émettent 90 fois moins de gaz à effet de serre (GES) que le charbon ou le mazout, 40 fois moins que le gaz naturel conventionnel et même 4 fois moins que l’énergie solaire photovoltaïque8.

Vers l’indépendance énergétique

Le Québec a ce qu’il faut pour mettre en œuvre un plan intégré de sortie de sa dépendance au pétrole d’ici 2050, sauf les moyens d’action financiers et légaux qui sont à Ottawa. Il faut mettre en œuvre un ambitieux programme d’économie d’énergie, un vaste programme d’électrification des transports, ainsi que l’augmentation rapide de la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique du Québec, jusqu'à ce que l'électricité et les énergies renouvelables couvrent l’ensemble des besoins énergétiques du Québec. 9

Figure 9 - Plan Climat Québec 2030

Une étape importante vers cet objectif, réalisable d’ici 2030 avec les moyens d’un Québec indépendant, est proposé dans le plan « Climat Québec 2030 » présenté par la députée Martine Ouellet en 2016. La figure 9, extraite de ce plan, en présente les objectifs en termes d’investissement, de réduction des GES et de création d’emplois. 10

En résumé, il s’agit, d’ici 2030, d’investir plus de 15 milliards de dollars dans l’électrification des transports, la modernisation des usines du secteur manufacturier et le verdissement du parc immobilier. Ces investissements auraient pour effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre du Québec de 40 % par rapport à 1990, tout en créant plus de 350 000 emplois dans la nouvelle économie verte.

Plus de la moitié de cet investissement est consacré à l’électrification des transports, camions, voitures, autobus et transport collectif, responsables pour 44,7 % des émissions de GES en 2012. En comparaison, une analyse de l’IREC souligne que le plan actuel du gouvernement du Québec 2015-2020 est « trop modeste, doté de moyens financiers insuffisants, réduisant les émission de gaz à effet de serre de la province de manière insignifiante. »11 Il s’agit d’abord d’une cible très basse de réduction dotée d’un faible budget de 84 millions $ par année pendant 5 ans, une goutte d’eau dans l’océan. Quant à la réduction de la consommation du pétrole, le gouvernement se donne pour objectif de réduire de 66 millions le nombre de litres de carburant consommés annuellement, par rapport aux 13,4 milliards de litres consommés en 2011. La réduction envisagée ne représente que 0,5 % de la consommation totale.

Inutile de dire que l’urgence d’agir exige beaucoup plus. Le Québec est plombé par son appartenance comme province dans le Canada pétrolier. Dans ce cadre, il ne pourra arriver à faire sa part de l’effort international de réduction des GES avec les risques que cela comporte pour la santé de la population et la protection de l’environnement. Il devra aussi continuer à assumer le coût énorme de l’importation du pétrole, évalué entre 15 et 20 milliards de dollars par année.


PROJET 4

PROTÉGER LE CLIMAT ET L’ENVIRONNEMENT

Les besoins et les valeurs du Québec en matière d’énergie et d’environnement entrent en contradiction avec ceux du Canada, lequel s’enfonce dans des développements pétroliers sans avenir. Ottawa a le pouvoir constitutionnel d’imposer ses volontés au Québec et de décider de l’utilisation du territoire du Québec pour le transport interprovincial sans son consentement. L’indépendance du Québec nous permettra de récupérer de l’État canadien nos budgets, nos lois et notre pouvoir de règlementation en matière d’énergie, d’environnement, de développement industriel et de transport, pour investir massivement dans le développement d’une économie verte du XXIe siècle. La protection du climat et de l’environnement requiert un ensemble de mesures sur trois plans : indépendance énergétique, électrification des transports, verdissement des usines et des bâtiments.

Indépendance énergétique

  1. Adhérer sans réserve aux ententes internationales, dont celle de la conférence de Paris en 2015, et mobiliser tous les moyens du Québec indépendant nécessaires à la protection du climat et de l’environnement.
  2. Refuser que le territoire québécois serve à l’extraction par fractionnement du pétrole de schiste, notamment dans la vallée du St-Laurent, sur l’ile d’Anticosti ou ailleurs.
  3. Bloquer tout nouveau projet de transport du pétrole bitumineux servant à l’exportation, par oléoduc (tels Énergie Est) ou par d’autres moyens de transport .
  4. Définir une politique vigoureuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre, prioritairement dans les domaines du transport et du développement industriel, visant à diminuer de 40 % de nos émissions de GES d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990, en investissant un minimum de 15 milliards de dollars d’ici 2030 et en créant 350 000 emplois. (Plan Climat Québec 2030)
  5. Mettre en œuvre un plan intégré pour que le Québec sorte totalement de sa dépendance au pétrole d’ici 2050, en intégrant un ambitieux programme d’économie d’énergie, un vaste programme d’électrification des transports, ainsi que l’augmentation rapide de la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique du Québec, jusqu'à ce que celles-ci couvrent l’ensemble des besoins énergétiques du Québec .
  6. Dans l’inévitable période de transition, grâce aux responsabilités nouvelles du Québec indépendant en matière de transport, assurer un contrôle rigoureux du transport des produits pétroliers par oléoduc, voie maritime ou ferroviaire.

Électrification des transports12

  1. Utiliser tous les moyens d’un État indépendant pour réaliser un vaste programme d’investissement de 8 milliards de dollars d’ici 2030, créant plus de 130 000 emplois nouveaux dans l’électrification des transports, le principal secteur d’utilisation du pétrole.
  2. Investir dans le transport collectif pour convertir à l’électricité, d’ici 2030, 8 000 autobus scolaires et 3 000 autobus municipaux, permettant une diminution des GES de 0,6 million de téqCO2 (Tonnes équivalent en CO2).
  3. Atteindre un objectif de 200 000 voitures personnelles électrique pour 2022 et de un million pour 2030 par divers moyens : une loi Zéro émission (à l’instar de dix États américains) pour assurer une transformation de l’offre de véhicules par les fabricants ; le financement de rabais pour l’achat de voitures électriques et pour l’installation de bornes électriques ; des mesures incitatives, comme des voies réservées ou des péages gratuits, ou désincitatives à l’égard des émission des moteurs à combustion.
  4. Électrifier 150 000 des 330 000 camions légers en circulation au Québec, en visant particulièrement les propriétaires de flottes de camions légers, engendrant ainsi une réduction de GES d’un million de téqCO2, générant des emplois chez les fabricants de camions et chez les manufacturiers de moteurs électriques et de batteries.
  5. Pousser de l’avant des projets porteurs comme la mise en place d’un monorail électrique à grande vitesse (MGV) entre Montréal et Québec, ou les projets d’entreprises québécoise dans le domaine des taxis électriques, des véhicules hors-routes et des motos électriques.

Verdissement du secteur manufacturier et du parc immobilier

  1. Investir 4,5 milliards de dollars d’ici 2030 pour réduire de façon draconienne la consommation d’énergies fossiles dans les procédés industriels et accroître l’utilisation des énergies renouvelables en augmentant ainsi la productivité et la compétitivité des entreprises sur le marché mondial.
  2. Tabler sur le savoir-faire du Québec dans la filière des batteries, des moteurs et de bornes électriques, ainsi que dans les communication intelligentes pour aider les usines à devenir éco-responsables.
  3. Adopter des objectifs concrets d’efficacité énergétique pour le verdissement du parc immobilier commercial et institutionnel, et investir massivement pour augmenter l’efficacité énergétique en soutenant la conversion des bâtiments à l’électricité et aux autres énergies renouvelables, comme la géothermie et l’énergie solaire.
  4. Réaliser la conversion de tous les systèmes de chauffage au mazout des résidences d’ici 2030 par une accélération du programme « Chauffez vert » qui permet leur remplacement par des systèmes alimentés à l’électricité ou par d’autres énergies renouvelables.

___________________________________

1 Martine Ouellet, Climat Québec 2030, 2016, p. 6-7.

2 OXFAM. « Inégalités extrêmes et émissions de CO2 : Pourquoi l’accord sur le climat de Paris doit donner la priorité aux populations les plus pauvres, les moins émettrices et les plus vulnérables », 2 décembre 2015, 16 p.

3 Éric Desrosiers, « Une grave menace pour la stabilité financière mondiale, dit Mark Carney » Le Devoir, 1er octobre 2015. http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/451412/changements-climatiques-une-grave-menace-pour-la-stabilite-financiere-mondiale-dit-mark-carney

4 Christine Lagarde et Jim Young Kim, « Tous les États doivent taxer le carbone », Le Monde, 28 octobre 2015.

5 Office national de l’énergie, « Le réseau pipelinier du Canada – Évaluation du marché de l’énergie », avril 2014. https://www.neb-one.gc.ca/nrg/ntgrtd/trnsprttn/2014/index-fra.html#fg34

6 L’impact des investissements bitumineux sur le PIB des provinces été évalué à environ 71 à 72 % en Alberta, 10 à 11 % en Ontario et 1 % au Québec; voir Manon Cornellier, « Les tares du Klondike albertain », Le Devoir, 7-8 mars 2009, p. C1.

7 Extrait de Whitmore, Johanne et Pineault, Pierre-Olivier, Bilan énergétique du Québec en 2012.

http://www.ledevoir.com/documents/pdf/energie_quebec.pdf

8 Luc Gagnon, « Comparaison des options de production d’électricité : Émissions de gaz à effet de serre (GES) », Direction de l’environnement, Hydro-Québec, Janvier 2003.

http://www.hydroquebec.com/developpement-durable/pdf/pop_01_06.pdf , p.3.

9 Un plan semblable a été adopté par le Danemark dont la stratégie énergétique 2050 prévoit l’élimination totale de la consommation de pétrole, de gaz ou de charbon d’ici 2050. http://www.lapresse.ca/le-soleil/z/archives/vu-dailleurs/201401/25/01-4732461-danemark-sans-petrole-ni-gaz-ou-charbon.php

10 Martine Ouellet, Climat Québec 2030, 2016, p. 12.

http://martineouellet.quebec/wp-content/uploads/2016/08/ClimatQuebec-2030.pdf .

11 Karl Rettino-Parazelli, Le Devoir, 12 novembre 2015. http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/454993/electrification-des-transports-le-plan-trop-timide-pour-etre-efficace. Le Le gouvernement Couillard vient d’annoncer un nouveau plan visant les mêmes objectifs, mais toujours insuffisant en ce qui concerne des investissements dix fois moindres que ceux suggérés dans le plan Ouellet.


12 Les mesures précises qui suivent proviennent pour la plupart du plan Climat Québec 2030 cité plus haut.