Ouvrage:Un pays en tête/Rapatrier nos outils culturels et nos communications

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« Qu'en est-il de la culture ? Celle-ci, tout au moins, ne devrait-elle pas être le lieu où l'histoire prend un sens pour les hommes ? De soi, elle est un héritage ; d'elle, nous recevons des moyens d'expression et d'action, un imaginaire et des croyances où nous nous reconnaissons une identité en même temps qu'une appartenance à la commune humanité. La culture est un legs qui nous vient d'une longue histoire et un projet à reprendre ; en un certain sens, elle n’est rien d’autre qu’une mémoire. » – Fernand Dumont1

La culture est au cœur même du sentiment d’appartenance et de l’évolution d’une nation. Elle définit les manières d’être, de penser et d’agir d’un peuple. L’identité culturelle québécoise est caractérisée d’abord par notre langue et nos origines françaises, enrichie par l’apport des gens d’ailleurs venu partager notre destin. Actuellement, plutôt que le Québec, c’est le Canada, en tant que pays souverain, qui s’arroge le droit de définir ainsi sa souveraineté culturelle : « Un pays est souverain en matière de culture lorsqu'il dispose de la liberté nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposent quant à son avenir culturel, c’est-à-dire lorsqu'il jouit de la latitude requise pour favoriser la création, la diffusion et la conservation de sa production culturelle et l'accès à cette production sur l'étendue de son territoire ».

Cet énoncé considère le Canada comme une seule nation, alors qu’il est composé de plusieurs nations autochtones, de la nation canadienne-anglaise et de la nation québécoise, comme le soulignait il y a plus de 50 ans, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. La culture et les communications n’étaient pas mentionnées dans la Constitution de 1867 mais, dans la loi constitutionnelle de 1982, imposée unilatéralement au Québec, apparaît pour la première fois la « culture » à l'article 27 qui constitutionnalise le concept de multiculturalisme plutôt que la reconnaissance de la nation québécoise. Celle-ci est donc traitée au même rang que d’autres minorités ethnoculturelles. Quant aux communications, la clause dite « résiduaire » de la Constitution de 1867, attribuant au fédéral toutes les compétences non prévues il y a 150 ans, a fait en sorte que ce domaine est désormais inclus dans les compétences fédérales.

Le gouvernement canadien se sert donc de la Constitution, qu’il a lui-même définie pour établir seul de nombreuses « politiques culturelles », telles que la loi sur le statut de l’artiste, la loi sur les droits d’auteurs et le régime fiscal pour la production artistique. Il met ses politiques en œuvre et effectue d’énormes dépenses dans des organismes tels que Radio-Canada, l'Office national du film du Canada, Téléfilm Canada, le réseau des musées canadiens dans le domaine des arts, de la civilisation et des sciences, les Archives nationales du Canada et la Bibliothèque nationale du Canada.

Dans le domaine des communications, le gouvernement canadien s’est donné des responsabilités exclusives considérables, dont le Québec est exclu. Via le Conseil de la radio et de la télévision canadien (CRTC), il contrôle l’ensemble de la télévision, de la radio et des médias numériques dans l’ensemble du Canada et donc au Québec. Dans les télécommunications, il établit les priorités et des politiques orientant l’implantation et les services des grands réseaux de communication terrestres, par antennes ou par satellites. La politique réglementaire de télécom2 règlemente les services d’accès à l’Internet à large bande, catalyseurs incontournables de l’économie et vecteurs omniprésents de diffusion culturelle. Dans ce domaine, le CRTC vise à établir un mécanisme de financement pour atteindre divers objectifs stratégiques énoncés dans la Loi sur les télécommunications au Canada pour enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions. Dans le jargon d’Ottawa, le Québec n’est qu’une « région », parfois amputée de sa portion outaouaise considérée comme faisant partie de la « capitale nationale du Canada ».

Tout le secteur des communications est pourtant vital comme moyen éducatif et outil d’intégration culturelle à la société québécoise. À titre d’exemple, au CRTC, on discute depuis de nombreuses années d’une règle forçant un minimum de 10 % de nouvelles stations en langue française, mais de telles dispositions n’arrivent pas à s’implanter, même avec ce pourcentage insignifiant. Dans un Québec indépendant contrôlant l’ensemble de ses communications, il serait possible de rétablir l’équilibre entre les stations de diffusion en français et celles dans les langues minoritaires, dont l’anglais

Sur un autre plan, les technologies d’information, particulièrement les logiciels, ne sont pas neutres sur le plan culturel. Elles parlent une langue, elles portent une culture et des valeurs, celle des gens qui les produisent. La société québécoise est déjà très largement informatisée. Elle utilise un ensemble diversifié de technologies mais, sauf dans certains domaines, elle en produit encore relativement peu pour sa propre consommation. Cela n’est pas sans risque.

Tous les gouvernements du Québec, fédéralistes comme souverainistes, ont tenté depuis toujours de rapatrier au Québec les compétences d’Ottawa dans les domaines de la culture et des communications. On a parlé un temps de biculturalisme, de souveraineté culturelle et de rapatriement au Québec des compétences en culture. Aucune de ces demandes du Québec n'a abouti à un quelconque transfert de pouvoir, dans ce domaine vital comme dans tous les autres. En réalité, le gouvernement canadien tient à demeurer le gouvernement majeur dans tous les secteurs culturels et des communications. Il l’est en effet tant par l’ampleur de ses compétences que de ses budgets. Il est hors de question que cela change, tant que le Québec fera dépendre son avenir national du cadre canadien.


PROJET 8

RAPATRIER ET DÉVELOPPER NOS MOYENS DE CULTURE ET DE COMMUNICATION

L’indépendance du Québec permettra d’établir une souveraineté complète du Québec dans ces domaines vitaux de la culture et des communications, éléments centraux de la nouvelle économie numérique du savoir. Le plein contrôle de nos politiques culturelles et de communication nationales, de nos outils de support à la culture, de la réglementation de la radio, de la télévision et des télécommunications, permettra d’assurer l’existence de plus de médias en langue nationale et d’y diffuser la culture québécoise. Nous pourrons également faire de Télé-Québec une véritable télévision nationale présente dans toutes les régions, créer des instruments communautaires et éducatifs de télédiffusion ou réglementer la publicité en ondes en fonction de nos valeurs.

Le projet présenté ici comprend cinq séries de mesures : le rapatriement au Québec des budgets en matière de culture et de communications, le soutien aux créateurs culturels, les investissements dans les médias de masse, télévision et radio, le développement des technologies de l’information et des communications, le rayonnement notre culture sur la scène internationale.

Rapatriement des budgets en culture et communications

  1. Augmenter et intégrer les investissements en culture et dans les communications en rapatriant notre part du budget canadien en culture et communications et en le regroupant avec les budget actuel du Québec.
  2. Intégrer la part du Québec des budgets et du personnel des institutions culturelles canadiennes (Société Radio-Canada, ONF, Téléfilm Canada, Musées culturels et scientifiques, CRTC, Archives nationales du Canada, Bibliothèque Nationale, …) dans des institutions correspondantes du Québec indépendant.
  3. Établir avec le Canada une entente pour affecter une part des budgets culturels et de communications canadiens et québécois au soutien des communautés acadiennes et francophones hors Québec.

Soutien des créateurs culturels

  1. Établir une politique des industries culturelles et investir massivement pour maximiser les retombées économiques et les emplois dans la culture, l’un des trois secteurs les plus créateurs d’emploi.
  2. Soutenir nos créateurs directement en rapatriant les bourses du gouvernements d’Ottawa aux artistes et aux écrivains.
  3. Augmenter le nombre de sorties artistiques pour les élèves du primaire et du secondaire, en stimulant l’emploi artistique en région et créant une plus grande proximité entre la culture et les citoyennes et les citoyens.
  4. Augmenter la diffusion de nouveaux films d’auteur et de documentaires québécois à Télé-Québec, afin d’encourager les cinéastes du Québec à continuer leur travail essentiel de création.
  5. Soutenir la relève musicale en investissant des fonds supplémentaires dans des concours pour la relève tels le Concours musical international de Montréal, le Festival international de la chanson de Granby, Cégeps en spectacle et Ma Première Place des Arts.
  6. Soutenir l’achat de livres québécois dans les écoles primaires et secondaires pour ajouter 200 000 nouveaux livres dans nos écoles pour ainsi appuyer nos auteurs et l’ensemble du milieu littéraire.

Investissement dans les médias de masse, la télévision et la radio

  1. Rapatrier la portion québécoise et le personnel de la Société Radio-Canada et ses trois chaînes affiliées pour consolider Télé-Québec en y ajoutant une chaîne d’information en continu, une chaîne de diffusion culturelle (artistique et scientifique) et une chaîne de diffusion des émissions produites en langue française et dans les langues minoritaires, à l’intention des communautés culturelles et des premières nations.
  2. Développer le réseau des bureaux régionaux de Télé-Québec, permettant d’offrir aux Québécois des informations provenant de toutes les régions.
  3. Ajouter à Télé-Québec des bulletins d’information, des émissions d’affaires publiques et des émissions culturelles sur des lieux et des personnages marquants de notre histoire et de celle des premières nations.
  4. Augmenter le nombre de stations de radio diffusant de la musique et de l’information en langue française pour contrer la sous-représentation de l’offre en langue française, particulièrement dans la région de Montréal.
  5. Accroître le soutien aux médias communautaires dans toutes les régions du Québec avec le support de Télé-Québec.

Développement des technologies de l’information et des communications

  1. Assurer, en collaboration avec les entreprises de télédistribution, l’implantation de la fibre optique sur tout le territoire en utilisant les réseaux de distribution d’Hydro-Québec, de façon à assurer un accès Internet à large bande dans toutes les régions du Québec.
  2. Établir une politique des technologies numériques, particulièrement dans les institutions d’éducation, pour accroître l’alphabétisation numérique et la culture scientifique.
  3. Assurer un revenu équitable aux créateurs culturels et aux créateurs de produits logiciels, notamment sur la question des redevances, en utilisant tous les leviers d’un Québec indépendant, y compris la gestion des brevets et la propriété intellectuelle.

Rayonnement de notre culture sur la scène internationale

  1. Développer les services culturels dans les consulats et les ambassades du Québec, comme instrument privilégié de l’essor et du rayonnement de nos artistes québécois et de nos créateurs à l’étranger, en ciblant les pays de langue française et les pays proches culturellement du Québec.
  2. Élaborer un programme de soutien aux PME, aux coopératives et aux entreprises de l’économie sociale pour les aider à financer l’exportation de leurs produits culturels.
  3. Créer des bourses de déplacement et d’hébergement de nos créateurs à l’étranger, s’ajoutant à l’accueil et au soutien de la part de nos délégations, consulats et ambassades.

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1 Fernand Dumont (1995), L’avenir de la mémoire. Québec. Les conférences publiques de la CEFAN.

2 CRTC, Politique réglementaire de télécom, Ottawa, 21 décembre 2016.